Droit de réponse dans Konbini – Emile Duport, pour les Survivants
Puisque je suis mis en cause dans la Lettre ouverte que vous avez publiée sur votre site le 1er décembre 2016, j’ai pris la peine de répondre. J’espère que vous aurez à cœur de faire valoir ma liberté d’expression comme vous l’avez fait pour ces « quatre amies » auteurs de la lettre, en faisant paraître ma réponse sur votre site.
Oui, prenons soin des femmes en détresse
Au risque de vous surprendre, j’ai lu attentivement cette Lettre ouverte et il se trouve que je suis d’accord avec certains points qui me paraissent très importants !
Oui, c’est vrai que les femmes qui ont recours à l’avortement (ou qui se posent la question) sont des « personnes qui ont souvent besoin d’aide. Elles peuvent être déboussolées, elles peuvent avoir besoin de cacher à leurs parents une grossesse non désirée […] elles sont peut-être fragilisées et plus facilement influençables », pour reprendre les termes de la Lettre.
Je l’observe dans les nombreux témoignages de femmes que j’ai rencontrées. C’est tout à fait exact et on ne prend pas suffisamment en compte cette dimension de détresse vécue à ce moment précis de leur vie. Ces femmes sont fragiles, leur monde semble s’écrouler et bien souvent elles se sentent très seules. Alors que faire ?
Doit-on uniquement leur rappeler leur droit à l’avortement ou bien doit-on faire plus ?
Il nous est reproché de donner alors à ces femmes des informations dites « trompeuses »…
Est-ce tromper que prendre le temps d’écouter ces femmes, leur permettre d’expliquer leur situation, souvent compliquée et toujours particulière ?
Est-ce tromper que de dire à ces femmes que l’avortement est une des solutions possibles mais pas la seule ?
Est-ce tromper ces femmes que leur dire de prendre le temps de la réflexion ? Une fois l’avortement effectué, il n’y a pas de retour en arrière possible…
Quelles solutions durables ?
Encore une fois, je rejoins les rédactrices de cette Lettre ouverte qui pointent du doigt le problème que rien n’est fait aujourd’hui, après un avortement pour « mettre en lumière ces ressentis et ces expériences, réfléchir à des solutions durables pour atténuer la honte et la culpabilité ».
Personnellement, je n’aurai pas parlé de « honte et culpabilité » mais en écoutant les femmes qui ont vécu une IVG, on ne peut nier leurs questions et leurs doutes : « Et si je l’avais gardé ? Il aurait aujourd’hui tel âge… Je ne suis pas sûre d’avoir fait le bon choix… ».
Toutes ne disent pas ça, mais beaucoup se posent des questions. Et quelles solutions leur sont alors proposées ? Rien, à part les sites qui prennent le temps de les écouter et les soutenir…
Stop aux combats d’arrière-garde
Nous sommes en 2016, bientôt 2017. Ce ne sont plus les années 70…
Aujourd’hui, ce qui nous importe ce n’est plus la question du droit à l’avortement, mais la question du soutien et des réponses qui peuvent être apportés aux femmes en détresse avant ou après un avortement. Ces femmes ont le droit de demander de l’aide et nous, nous avons le devoir de leur en apporter.
La question de l’avortement clandestin en France est un combat dépassé pour nous, jeunes générations. Notre combat se porte sur le bien-être des femmes, des hommes et des enfants qui vivent ou subissent un avortement. Je choisis le terme « subir » à dessein car des hommes et des femmes l’ont vécu de cette façon-là, il faut en être conscient.
Les témoignages de toutes ces femmes qui ne vont pas bien, de ces hommes qui se sentent mis sur la touche, de ces enfants traumatisés sont bien réels ! Ce ne sont pas des inventions ni des mensonges. Et ce n’est pas une loi votée il y a 40 ans, avant même notre naissance, qui va nous procurer le réconfort qui nous fait défaut…
Qui manipule qui ?
Dans cette Lettre ouverte, je suis accusé de manipulation des faits. Mais je m’insurge ! C’est moi, et avec moi tous les Survivants que nous sommes, qui à notre tour voulons dénoncer cette manipulation et ces amalgames.
Nous refusons votre jugement binaire : pour ou contre l’avortement, pour ou contre vous. Laissez notre génération suivre sa route et décider pour elle-même. Nous avons le droit de nous poser des questions, de rechercher ce qui est bon ou non pour nous. Laissez-nous vivre à notre façon.
Pouvez-vous prétendre en toute conscience qu’une femme qui avorte n’aura jamais de peine ou de regret ? Pouvez-vous nous assurer que l’avortement est un acte sans risque physique ou psychologique ? Non, bien sûr que non. C’est un acte important et qui mérite d’en prendre la mesure.
Nous souhaitons que l’information autour de l’avortement soit lucide et complète, et que l’on permette aux femmes, aux familles impliquées de pouvoir prendre le temps de la réflexion, en envisageant toutes les possibilités.
Serez-vous contre ce droit à l’information ? Êtes-vous sûres de vraiment chercher le bien des femmes en refusant le débat ?
Pour finir, en accord avec ce que vous dites dans votre lettre, je pense que les questions de sexualité ne doivent pas uniquement reposer sur la responsabilité des femmes.
C’est pour cela qu’en tant qu’homme, je souhaite que le débat soit ouvert, respectueux de chacun et dans le seul but de venir en aide à ceux qui souffrent, bien au-delà des débats idéologiques qui appartiennent au passé.
Emile Duport