L’IVG en questions

Cette page est destinée essentiellement aux personnes qui se posent des questions sur l’avortement, et plus particulièrement les jeunes. Peu de gens connaissent en effet les vérités les plus élémentaires sur l’avortement, et lorsque l'on parle de ce sujet plus que brûlant, les questions, souvent agressives, fusent.
En effet, force est de constater que le débat n’existe actuellement pas. On prend pour acquis le droit à l’IVG, ou au contraire on soutient l’idée que l’avortement est intolérable, sans rentrer dans le fond des choses.

AVANT-PROPOS

Entendons-nous bien : généralement ni les « pro » avortement, ni les « anti » avortement ne sont à même d’argumenter de manière claire et logique.

La clé de cette situation ? L’absence de logique. Devant un sujet qui touche les hommes et les femmes d’une manière extrêmement intime, ce ne sont plus que les passions qui parlent, et tout esprit logique et objectif disparaît. Et qui osera soutenir que la passion n’ouvre pas une brèche à l’aveuglement, et même à l’idéologie ? C’est ainsi que le débat sur l’avortement laisse place à l’idéologie : il y a les « pour », par idéologie, et les « contre », souvent par l’idéologie aussi.

Ce livre se propose de reprendre l’ensemble du discours entendu tant de fois au cours de débats sur l’avortement. Il a été regroupé en 30 questions, et chaque question est reformulée en quelques lignes, ou je me fais « l’avocat du diable ». Cette brochure essaie d’y répondre au mieux, avec un langage direct et parfois provocateur, dans le but de s’adresser non seulement aux convaincus — quelle que soit la nature ou l’origine de leurs convictions — qui cherchent à savoir répondre aux objections qui leur sont faites, mais aussi aux sceptiques et aux indécis, afin de les aider à y voir plus clair dans cette polémique qui les touche au plus profond de leur intimité.

Les réponses n’ont quant à elles aucune teinte idéologique: elles sont simplement logiques, et s’appuient sur le bon sens. Elles sont de surcroît soutenues par les résultats de travaux scientifiques anciens et récents malheureusement méconnus du public.

Ce petit livre se veut facile à lire, et surtout à diffuser : il semble nécessaire et primordial d’enfin oser apprendre à parler de manière dépassionnée de l’avortement. Ces réponses peuvent être un moyen de réveiller les consciences.

Se contenter d’argumenter sur l’avortement sans se pencher sur sa réalité concrète, serait incomplet, tant il existe à présent un réel « retour d’expérience » depuis sa dépénalisation. C’est l’objet de la seconde partie de ce livre, de parler de l’expérience de l’avortement légalisé, en France et dans le monde. Non seulement à travers les chiffres officiels, mais aussi à travers la loi, et surtout à travers les conséquences de l’avortement sur les femmes, les enfants, et la société.

Ces conséquences, scientifiquement constatées, parlent d’elles-mêmes, et permettent, après le développement de l’argumentation, de clore les dernières réticences ou incertitudes qui pourraient subsister. Mieux, elles apportent les preuves par l’expérience que l’Interruption Volontaire de Grossesse est loin d’être un acte banal, et que ses effets sont violents.

Lorsque j’ai annoncé à quelques amis que je souhaitais écrire une petite brochure sur l’avortement, beaucoup — et souvent les plus proches – m’ont affirmé haut et fort que l’avortement était un sujet trop compliqué pour être traité par écrit : « tu ne peux te mettre à la place d’une femme qui avorte » m’a-t-on crié. Certes, je ne le pourrai jamais. Mais est-ce que cela signifie qu’on ne peut pas tenter d’aborder le sujet, de replacer le débat sur le terrain qu’il aurait dû occuper dès le  début ? Sous prétexte que le sujet touche ce qu’il y a de plus intime chez la femme — et souvent aussi chez l’homme – ne peut-on pas essayer de le traiter, avec, à la fois toute l’attention qu’il mérite, mais aussi l’objectivité dont toute société a besoin pour avancer et progresser ?

A cause de cela, parce que je vais aborder un sujet qui ne pourra te laisser indifférent, il me reste à te demander pardon, cher lecteur, pour tout ce que cette lecture risque de réveiller en toi de blessures, de réactions d’indignation ou de révolte. Traiter de l’avortement n’est pas une tâche aisée, et tu verras que j’ai choisi parfois d’aborder des questions avec un peu de légèreté, à travers des illustrations sarcastiques et provocantes  faites par notre cher ami Floris, et qui, j’espère, amèneront quelques vrais sourires sur tes lèvres. Mais ce n’est pas sans savoir avec quelle gravité tu liras ces pages, la même, sois-en convaincu, qui m’a conduit à les écrire. Parce que je connais trop de drames qui se sont déroulés autour de moi : parce qu’aussi je suis né juste avant la loi, et que je perçois la chance que j’ai, face à ce jeu de hasard qui fait maintenant tenir une vie à un fil.

Enfin, pourras-tu excuser, cher lecteur, le style peu littéraire de ce petit livre ? C’est que l’auteur n’est pas un homme de lettres, mais avant tout un scientifique, avec tout ce que cela comporte d’insuffisances !

30 QUESTIONS SUR L'AVORTEMENT

1. L'EMBRYON EST-IL UN ÊTRE HUMAIN ?

On ne peut affirmer qu’un embryon de quelques jours, voire de quelques semaines, est un être humain. C’est une affaire de convictions, de croyances. D’ailleurs, les scientifiques et les médecins restent partagés sur le sujet. Enfin, comme la question est essentiellement philosophique, on n’aura jamais fini de s’interroger là-dessus.

Pendant longtemps, les scientifiques n’ont pas été capables de répondre de manière indiscutable à une telle question (même s’ils avaient une idée intuitive assez précise de la réponse). C’est tout simplement que notre connaissance de la biologie n’était pas encore assez développée.

Mais posons-nous la question : « Qu’est-ce donc qu’un être humain ? »

Un être humain:
1°) appartient à la race humaine,
2°) est capable de se développer de manière autonome, par lui-même. Autrement dit, il doit être capable de s’agencer, s’organiser, renouveler ses cellules, évoluer de manière propre, sans que ces informations lui soient communiquées par l’extérieur.

Un bras n’est pas un être humain, car isolé du reste du corps, il n’a aucun moyen de se développer et d’évoluer tout seul. Une plante est un être vivant, se développe de manière autonome, mais ne présente pas biologiquement, les caractéristiques humaines. On arrive à mettre en culture des morceaux de peau, pour les greffes. Mais si ces cellules de peau se reproduisent, elles restent toujours des cellules de peau. Elles n’évoluent pas, ne s’agencent pas, ne se différencient pas, et ne sont donc pas un être humain. Pour ce qui concerne l’embryon, la question est donc double :

  1. d’une part, possède-t-il les caractéristiques biologiques humaines ?
  2. d’autre part, est-il capable de se développer et de s’agencer par lui-même, c’est-à-dire par ses seules facultés génétiques ? Et si oui, à partir de quand ?

Les progrès de la biologie, plus particulièrement de la génétique, ont permis de répondre à la première question. Il ne fait plus aucun doute maintenant que la signature de chaque espèce est déterminée entièrement et uniquement par sa carte génétique. Dans chaque cellule de chaque espèce vivante sont présents des chromosomes, qui comportent les caractéristiques de l’espèce. Les chromosomes sont constitués par des molécules d’ADN extrêmement longues (plusieurs kilomètres si on pouvait les dérouler) qui sont en quelque sorte le « programme » qui préside au développement de l’individu.

Chaque espèce est déterminée par des bandes caractéristiques identiques qui permettent d’identifier l’espèce à coup sûr. D’autre part, entre ces bandes caractéristiques sont présentes d’autres séquences, différentes pour chaque individu (sauf les vrais jumeaux) et qui caractérisent l’individu : couleurs des cheveux, des yeux, taille, etc. Chaque séquence est appelée gène.

Toute nouvelle cellule issue de la fusion d’un spermatozoïde et d’un ovule représente toutes les caractéristiques d’un nouvel être humain, unique, qui n’a jamais existé auparavant et qui n’existera plus jamais après. Toutes les caractéristiques qui te concernent, ta couleur d’yeux, ta taille, ta morphologie, une partie de ton caractère, se trouvent inscrites dans tes chromosomes. Mais, me diras-tu, les cheveux, comme chacune des cellules du corps humain, contiennent bien cette signature unique qui est la nôtre, et pourtant, un bout de cheveu coupé n’est jamais devenu un être humain.

Cette seconde question n’a en faite été résolue qu’assez récemment, en 1978, lors de la première réussite d’un bébé éprouvette1 (la célèbre Louise Brown, née en Angleterre). Cette expérience a permis en effet de connaître avec précision les mécanismes mis en œuvre dans la transmission de la vie. On a pu confirmer alors avec certitude la réalité suivante:

L’œuf éprouvette, né de la rencontre entre un spermatozoïde et un ovule, en dehors du corps de la mère, est capable de se  développer de manière autonome dès le premier instant de son existence, et sans aucune aide extérieure.

C’est donc qu’il possède, intrinsèquement, la faculté d’évoluer et de se transformer.

Louise Brown s’est en effet développée pendant plusieurs jours de façon autonome dans son éprouvette. Jamais auparavant, un organisme identique n’avait existé; elle était unique et commençait elle-même, ou plutôt d’elle-même, l’aventure de la vie humaine. L’expérience a permis en plus de répondre à la question essentielle: quand commence la vie humaine? On a démontré en effet expérimentalement que l’instant « zéro » se situait avec certitude au moment même où existait cette unique cellule, appelée œuf, résultant de la fusion du spermatozoïde et de l’ovule.

Alors, à quoi sert la mère dans tout ça ? Le rôle biologique de la mère se limite d’une part à nourrir le nouvel être humain ainsi formé, d’autre part à le protéger durant tout son développement2. Le bébé éprouvette ne peut vivre en effet que quelques jours dans son éprouvette, car très rapidement on se trouve incapable, du moins pour le moment, de lui apporter de la nourriture, ou, si tu préfères, de l’énergie, de manière adéquate. Ce problème n’est que technique : un jour, peut-être, on arrivera à nourrir pendant 9 mois, dans une (grande !) éprouvette, un embryon, ce n’est pas chose conceptuellement impensable ni impossible. En tout état de cause, s’il s’était avéré que l’œuf éprouvette restait à l’état d’œuf, sans se développer, cela aurait prouvé qu’il avait besoin d’un apport spécifique, donné par la mère, pour devenir un être humain.

Mais cela ne s’est pas produit.

 » Un chromosome est tout à fait comparable à une mini-cassette dans laquelle une symphonie est enregistrée, la symphonie de la vie. De même qu’ayant acheté une cassette dans laquelle est enregistrée la Kleine Nacht Musik de Mozart, si vous l’introduisez dans un magnétophone, les musiciens ne seront pas reproduits, les notes de musique ne seront pas reproduites, il n’y en a pas. Ce qui sera reproduit, c’est le mouvement de l’air qui transmet jusqu’à vous le génie de Mozart. C’est exactement ainsi que se joue la vie. Sur les minuscules mini-cassettes que sont nos chromosomes, sont écrites diverses partitions de la symphonie humaine. Sitôt qu’est réunie toute l’information nécessaire et suffisante pour dicter la symphonie, la symphonie se joue elle-même, c’est à dire un nouvel homme commence sa carrière.  » Professeur  Jérôme Lejeune, « L’enceinte concentrationnaire ››, 1991. Cet éminent généticien a découvert la trisomie 21, et est le scientifique le plus renommé pour ses positions en faveur de la vie.

La science a donc démontré sans ambiguïté que l’embryon, à partir du moment de la conception, est un être humain à part entière, unique, et autonome. Ce n’est pas une question de croyance religieuse : « moi, j’y crois, toi, tu n’y crois pas » ; mais c’est bien une affaire de conviction. La conviction, c’est lorsqu’on est sûr de quelque chose, de manière indubitable et irréfutable. A ne pas  confondre avec la notion de « conviction religieuse », qui relève du domaine de la foi. Ce n’est pas non plus une question philosophique : ce qui fait un être humain échappe à la philosophie, et n’est plus qu’une question scientifique, depuis que la génétique a démontré que les espèces sont définies spécifiquement

On essaie de faire croire dans l’esprit populaire que l’embryon n’est pas un être humain, on entretient le mythe du petit tas de cellules qui ne serait rien du tout: mais ce « tas de cellules » est tout aussi comparable au « tas de cellules » que nous sommes, sinon que nous sommes un plus gros tas ! Demande à n’importe quel biologiste ou médecin, il ne pourra que te répondre que l’embryon est bien effectivement un être humain, pour la bonne raison que TOUS LES SCIENTIFIQUES SONT D’ACCORD LA-DESSUS ! Et s’il te faut une preuve supplémentaire pour te convaincre, voici une déclaration de l’Ordre des Médecins, en octobre 1994, sur l’embryon :

 » L’embryon ne peut être réduit, quelle que soit son évolution, à un simple matériau. Il n’y a pas de comparaison possible entre l’embryon humain et celui d’une autre espèce. Entré dès sa conception dans une histoire collective et singulière, l’embryon de nature humaine appartient à notre humanité. Il y va du respect de la personne humaine indépendamment de la qualité propre de cet embryon. « Déclaration du Conseil National de l’Ordre des Médecins, 21 octobre 1994

 

2. DOIT-ON CROIRE ABSOLUMENT EN LA SCIENCE ?

Peut-être qu’un jour la science démontrera que l’œuf n’est pas un être humain, et qu’il existe un autre mécanisme scientifique, plus complexe que la simple génétique, qui fait qu’il ne possède pas encore toutes les caractéristiques humaines !

La science ne possède effectivement pas forcément la vérité, et certains seront tentés de dire qu’un jour elle sera capable, par ses progrès de remettre en question le fait que l’embryon est un être humain dès le moment de la conception. Après tout, le principe de la gravité de Newton, qu’on a considéré pendant des siècles comme absolu, a été balayé par Einstein lors de la découverte de la relativité.

Mais la théorie de la relativité n’est venue que prolonger la théorie de Newton, elle n’est pas venue la renier. Elle n’est pas venue dire qu’une pomme pouvait rester en l’air toute seule.

Les expériences passées en biologie, jusqu’aux expériences récentes de clonage (la brebis Dolly), ont démontré que l’information génétique était nécessaire et suffisante pour définir un être.

Nécessaire : sans patrimoine génétique, une espèce n’est pas.

Suffisante : en introduisant le patrimoine génétique d’une cellule dans un ovule énuclé (dont on a enlevé le noyau, donc le patrimoine chromosomique) on obtient bien un individu vivant capable de se développer. Et cet individu est la copie conforme (génétiquement) de la cellule mère. Il est remarquable de constater que cette technique consiste seulement à « fabriquer » une cellule capable de se développer et se multiplier toute seule : on reconstitue bien artificiellement un œuf. Cet œuf, une fois constitué, n’a jamais été considéré par les pères scientifiques de la brebis Dolly comme une simple cellule, mais bien comme un être vivant, un embryon d’agneau, une nouvelle brebis.

  » Oui, un zygote est un être humain vivant. « Étienne Émile Beaulieu, professeur de médecine, célèbre propagandiste de la pilule abortive RU 486 – 16 janvier 1992.

Ce médecin, farouche défenseur du droit à l’avortement, reconnaît donc que l’embryon est un être humain.

En conclusion, on peut attendre d’autres développements de la science en matière de biologie et de génétique, mais rien ne pourra remettre en cause le fait que le matériel génétique est nécessaire et suffisant pour définir une espèce ; comme rien ne pourra remettre en cause le fait que le premier instant de notre vie humaine a été le moment de notre conception. Biologiquement, nous ne sommes que le prolongement de cette cellule initiale à travers des multitudes de divisions cellulaires, de morts et de naissances de cellules.

3. C'EST QUE LES CRITÈRES BIOLOGIQUES QUI DÉFINISSENT L'APPARTENANCE HUMAINE ?

Donc un trisomique n’est pas un être humain, puisqu’il n’a pas 23 paires de chromosomes ! De même, que faites-vous du cas des vrais jumeaux, qui sont issus d’une scission de l’œuf au bout de plusieurs jours d’existence ? Vous voyez bien que c’est extrêmement réducteur de définir uniquement « scientifiquement » l’espèce humaine !

Ces exemples ne sont pas incompatibles avec le fait que l’être humain est défini sur des critères biologiques.

En effet, les anomalies génétiques ne remettent pas en cause le fait que l’être vivant « anormal » possède la signature génétique nécessaire pour appartenir à l’espèce humaine. Le cas de la trisomie est simple : il existe un chromosome supplémentaire, mais les informations de la carte génétique sont tout de même présentes. On peut comparer cela à un programme informatique dans lequel un sous-programme est répété, ce qui provoque quelques dysfonctionnements dans son exécution.

D’autres anomalies génétiques sont plus complexes, mais toutes les anomalies génétiques qui permettent néanmoins le développement de l’individu, c’est-à-dire sa vie et sa naissance, supposent que la carte génétique de l’espèce soit intacte. Les anomalies sont codées sur d’autres parties des chromosomes.

Ainsi, certaines anomalies vont réduire la durée de vie de l’individu, par exemple en provoquant la dégénérescence de certaines cellules, mais n’enlèvent rien au fait que cet individu comporte la signature humaine. Ce n’est pas notre intelligence ni notre conscience qui font de nous un être humain.

Ni le fait que nous ayons deux bras et deux jambes. Ce n’est pas notre ressemblance avec les autres membres dits « normaux » de notre espèce. C’est tout simplement l’appartenance biologique à l’espèce.

Le cas des jumeaux n’est pas plus compliqué. D’un individu, nous passons à deux individus à un certain instant. La scission de l’œuf donne naissance à deux individus alors qu’il n’y en avait qu’un. Qui est resté « le premier » et qui devient le « second » ? Qui est Pierre et qui est Jacques ? C’est une fausse question. Certains être vivants ont la capacité de ne se reproduire qu’en se divisant. Les hommes, et plus généralement les organismes sexués, se reproduisent d’une autre manière. Cependant il existe une période unique dans la vie humaine où l’être peut se diviser en plusieurs êtres humains. Certes, c’est assez contraire à notre expérience de la reproduction, et à notre appréhension de l’individuation. Mais cela est possible et admis par la biologie. Et cela n’exclut absolument pas le fait qu’il existait avant la scission un être humain.

4. UN "ÊTRE HUMAIN", MAIS CE N'EST PAS UNE "PERSONNE HUMAINE !"

C’est vrai qu’on joue sur les mots ! D’accord un embryon appartient à la race humaine, du point de vue chromosomique, mais on ne peut le considérer comme une personne, qui a une conscience (un passé, des souvenirs, des émotions, etc…). Il n’a même pas de cerveau, il ne ressemble à rien, et on voudrait le faire passer pour une personne ! Ce n’est qu’une « personne potentielle ».

C’est sans doute l’argument le plus évoqué pour défendre l’avortement: c’est un être humain mais ce n’est pas une personne. Tout au moins c’est une personne potentielle.

Nous abordons là le point le plus crucial de la question de l’avortement, et plus généralement de la question du statut de l’embryon. En effet, si un embryon n’est pas une personne, il n’y a alors aucun problème pour le supprimer ou le manipuler.

La question de savoir quand commence la personnalité – ou, dit autrement, quels sont les êtres humains qui sont dotés de la personnalité – ne relève pas de la science, mais fondamentalement et uniquement, d’une question éthique. Nous voici donc amenés à poser deux questions: d’une part, qu’est-ce que l’éthique, que signifie-t-elle, et, à la rigueur, en a-ton besoin ; et d’autre part, qu’est-ce que la personnalité.

Cernons tout d’abord le problème de la personnalité. La question « que signifie être une personne » est différente de la question « quels sont les critères de la personnalité ». Il est important d’en faire la différence. Ce que nous cherchons à savoir ici, ce sont les critères de la personnalité, mais il nous faut tout d’abord comprendre ce que signifie « être une personne ».

La personnalité est ce qui confère à l’homme sa dignité, sa valeur absolue, et donc ce qui exige un respect absolu. En posant la question « mais l’embryon n’est pas une personne », tout le monde reconnaît implicitement la conséquence d’être une personne : sa dignité.

Nous allons donc étudier objectivement ici si l’embryon peut être qualifié de personne, et qu’est-ce qui fait la personne.

Comme je l’ai déjà dit, cette question rentre dans un champ plus large qu’il est nécessaire d’aborder, celui du domaine éthique. Je dirais presque qu’il y rentre « par définition ». Encore faut-il savoir ce qu’on met dans le mot « éthique ».

Ce mot – et plus encore le mot « morale » – est souvent chargé d’interprétations péjoratives, teintées de religiosité, et donc difficilement compris. La conséquence de l’éthique est l’expression de principes, tels justement que le respect de la personne. Ainsi, les droits de l’homme constituent une règle exclusivement éthique. Le Comité Consultatif National d’Éthique (CCNE) est une instance chargée de réfléchir entre autres au statut éthique de l’embryon, mais aussi aux pratiques biomédicales sur l’embryon, à travers ce qu’on a appelé la bioéthique, et dont tout le monde actuellement reconnaît la nécessité.

Les règles éthiques sont souvent considérées comme les règles que se donne une collectivité à elle-même. C’est à dire des règles sur lesquelles tout le monde (ou la majorité) est d’accord. Des règles élaborées en vue d’actions concrètes. Cette vision, appelée « éthique de la responsabilité collective »  vise non pas à identifier un acte en tant que tel, mais la conséquence de cet acte sur le système collectif en place. Dans cette vision, ce qui qualifie éthiquement un acte, ce n’est pas l’acte lui-même, mais ses conséquences et son contexte. On pourrait qualifier cette éthique de « conséquentialiste »3.

De fait, la conséquence directe de cette approche est qu’elle se situe sur un plan politico-juridique, dans le sens où elle vise, de par sa construction, de par son essence même, une utilité politique (la vie de la cité) et juridique. On peut donc aussi la qualifier d’utilitariste : la fin (les conséquences) justifie les moyens (les actes).

Certains se satisferont de cette approche utilitariste (ou encore relativiste) : chaque société définit ses règles éthiques, et si on n’est pas d’accord avec les principes éthiques de notre société, il suffit de changer de société.

Mais cette approche ne vide-t-elle pas l’éthique d’une exigence supérieure ? Dois-je tout définir en fonction de ce qui m’entoure et de ce que je perçois ? Ou encore, l’éthique consiste-t-elle à mettre en œuvre des principes, ou à reconnaître des principes ?

Ce faisant, elle doit nécessairement sortir de la sphère politique et juridique, je dirais même de la sphère culturelle et historique, pour entreprendre une réflexion véritablement objective. Il ne s’agit pas ici de se situer dans le domaine des conséquences des actes, mais d’identifier éthiquement un acte. Ce faisant, on fait abstraction des situations concrètes où peuvent se poser des cas de conscience (qui existent et peuvent être graves dans le cas du statut de l’embryon, et que nous verrons dans les questions 14 à 22), ainsi que des intérêts individuels et collectifs. Par exemple ce n’est pas parce qu’on peut avoir intérêt à supprimer un être humain qu’il n’est pas une personne. On peut d’ailleurs facilement imaginer les conséquences d’un raisonnement de la sorte.

Par conséquent, conditionner l’éthique de la vie (et l’avis) politico-juridique, c’est réduire la question éthique, et la situer dans une logique purement utilitariste. L’éthique doit reconnaître des principes qui sont étrangers à la société ou à la collectivité, qui sont étrangers à tout mode de pensée (y compris un mode de pensée fondé sur des convictions religieuses), des principes qui doivent être considérés comme absolus. Cette éthique peut s’appeler « éthique de la conviction » et elle consiste à dire cette vérité couramment admise que « la fin ne justifie pas les moyens« .

On arguera qu’une conviction en vaut une autre, qu’elle n’est finalement qu’un préjugé, et qu’il est illusoire de vouloir reconnaître des principes absolus. Je répondrai que c’est à minima une nécessité pratique que de reconnaître par exemple l’idée de respect absolu de la personne. Ou encore que « les Droit de l’Homme » ne constituent pas un programme politique, mais représentent bien un principe, ou encore une conviction objective (c’est-à-dire qu’elle se situe en dehors des préjugés et des contextes politiques, religieux, culturels, historiques).

Qu’est-ce que cela signifie pour notre question ? Cela signifie que la détermination des critères de la personnalité ne peut être dépendante de notre époque et des intérêts que tout un chacun a sur l’embryon. Dire donc que l’embryon n’est pas une personne sous prétexte qu’on a intérêt à la dire, ou sous prétexte que sa protection entraînerait du mal ou de la souffrance pour des femmes, c’est faire une erreur de logique grave sur ce que signifie éthiquement la personnalité.

Allons plus loin encore. L’éthique va au-delà de la connaissance que nous avons de l’homme lui-même. Elle est fondamentale (c’est-à-dire indépendante de nous) et ne peut reposer sur une connaissance scientifique ou philosophique de l’homme. Elle ne doit s’articuler autour d’aucune conception anthropologique ou métaphysique de l’homme, car elle doit être, en vertu de son caractère universel et atemporel, libre de toute conception ou a priori préalables. Kant le dit bien : « il n’est besoin ni de science ni de philosophie pour savoir ce qu’on a à faire ». Cela signifie que nous ne savons pas ni ne saurons jamais pourquoi l’homme est une personne et en quoi réside sa dignité. Nous ne tirons pas cette dignité d’une connaissance quelconque mais seulement d’une certitude morale. Cela signifie dans notre cas que la définition de la personnalité est indépendante de nos connaissances biologiques, ou de notre connaissance des mécanismes psychiques de l’homme, au sens où le cas échéant, elle serait dépendante de notre vision et conception de l’homme, donc soumise à nous-mêmes et donc à nos fins.

Venons-en au fait même de la personnalité.

S’il est facile d’appréhender la personnalité chez un homme adulte ou même un enfant, à travers les relations interhumaines, cela l’est bien moins chez l’embryon. A travers l’embryon se présente à nous comme une « chose », plus éloignée de l’homme que l’animal, même si nous savons maintenant que c’est un être humain. Pour nous, l’embryon n’a pas un corps, il est un corps.

Mais l’éthique s’appuie-t-elle sur une reconnaissance préalable que j’ai de l’autre homme ? En clair, est-il légitime de fonder sa qualification de personne sur une reconnaissance que j’ai de lui, en tant que mon « semblable » ? Cette tendance, appelée relationniste, consiste à faire de l’expérience la condition de reconnaissance de l’homme par l’homme; ou, dit autrement, à laisser à la discrétion de chacun le soin d’instituer la dignité de l’autre homme.

Ainsi en est-il de l’appellation « personne humaine potentielle » (formulée par le CCNE lors de son premier avis le 22 mai 1984).

La CCNE propose que la personnalité soit assimilée à la viabilité du fœtus. Avant, le fœtus n’est qu’une personne potentielle. Outre que la viabilité est extrêmement relative et liée à nos possibilités techniques (un fœtus de 28 semaines est viable en Europe mais pas en Afrique), cette position se fonde sur la notion d’autonomie ou d’indépendance. Cependant c’est jouer sur les mots : l’embryon est autonome depuis le premier instant (la naissance n’est que passage d’un milieu à un autre), et dépendant de son milieu (l’utérus) comme un bébé peut l’être du lait maternel et de l’oxygène de l’air, et comme nous le sommes finalement nous-mêmes de notre milieu et de notre nourriture. Le caractère d’autonomie est donc dénué de sens éthique, et nous pouvons d’ailleurs dire que la vie est un processus continu vers toujours plus d’autonomie et de liberté (l’expérience acquise au cours de notre vie d’adulte étant censée nous apporter plus de liberté). Et puis quel est le passage exact du statut de « personne potentielle » au statut de « personne réelle » ?

En 1986, le CCNE adopte une nouvelle position, qui consiste à dire que la personne réelle est faite par la culture4 et la socialisation (apparition du langage, de la conscience). Ainsi implicitement, l’adulte devient le critère de la personne. Avant, nous ne sommes que des personnes humaines potentielles. Cela signifie aussi qu’il existe plusieurs degrés de « personnalisation ». Et donc, de fait, ce qui est moins civilisé ou socialisé est moins « humain ». Cette position, appelée « gradualisme éthique », est une position fondamentalement raciste puisqu’elle revient à dire qu’il y a des personnes qui valent moins que d’autres car moins civilisées. De plus le passage de la personne réelle est lui aussi irrésolu.

La pensée dominante anglo-saxonne est beaucoup plus tranchée et n’utilise pas le terme de personne potentielle. La position est de dire que c’est la conscience de soi qui fait la personne. Ainsi, les enfants, et les handicapés mentaux ne sont pas des personnes ! Mais on les traite comme tels par extension, en termes d’utilité (afin de favoriser les bons sentiments envers autrui, et puis parce que le moment du passage à l’état de personne est difficile à établir). La personnalité est vue comme une compétence qui s’acquiert. Outre que nous sommes dans une vue entièrement relationniste, cette vision tend à confondre cause et moyen : la conscience de soi n’est que le moyen de connaître la personnalité mais n’est pas le critère de la personnalité.

Une approche couramment entendue et défendue par nombre de psychiatres est celle du « projet parental ». Un nouveau-né ou un embryon n’aurait une valeur que s’il s’inscrit dans un « projet parental » et s’il est conforme au projet. C’est en quelque sorte la « valeur affective de mes géniteurs » qui me fait être une personne. Il existe donc des fœtus « personnes » et des fœtus « non personnes ».

Parmi ces médecins se trouve François Dolton que nous citons : « Quant à certains de ces bébés, soit précocement fétiches de leur mère, soit, en ce qui revient au même, affectivement rejetés en même temps que subis par elles, ils se développent en contradiction avec les lois de l’humanisation ; ce seront des mammifères humains, acceptés à peine, ou alors acceptés comme les animaux domestiques. Eux-mêmes se conduisent comme des animaux domestiques, apeurés de déplaire à leur maître dont dépend leur pitance, ils ne se sentent pas le droit à une place au soleil, à une place en famille, si tant est qu’ils aient encore une famille5, car elle donne une valeur inégale aux humains selon leur condition. Elle est aussi fondamentalement utilitariste : je ne donne la qualification de « personne » que si cette personne correspond à mon utilité, mon projet. Citons encore l’avis du professeur Frydman : « face à cette contradiction et à ce doute [concernant le statut de l’embryon], n’y a-t-il pas lieu de considérer comme primordial le fait que l’embryon ou le fœtus soit une personne à partir du moment où il est porté par un projet parental ? » 6. Cette position revient à dire : « comme il est difficile d’établir le statut de l’embryon en tant que personne, nous le laissons au soin des parents : si les parents désirent que leur fœtus soit une personne, alors il l’est, sinon, il n’est pas une personne ». Comment ne pas considérer cette position comme extrêmement légère et entièrement arbitraire ? Nous avons montré au début de ce chapitre qu’il était impossible (et terriblement dangereux !) de définir la personne selon des critères utilitaristes.

D’autres entretiennent l’idée que l’embryon est « personnel » sur des critères morphologiques (apparition du cœur ou de la première cellule nerveuse, ou alors apparence humaine), ou sensitifs (apparition des premières sensations, de la douleur, du plaisir).

Tous ces critères sont eux aussi relativistes, car ils définissent la personne suivant « l’idée que je m’en fais ». Ils sont par conséquent tous arbitraires (pourquoi la conscience, pourquoi le cœur, pourquoi le fait d’être désiré ?).

Comment donc appréhender la personne ? Puisqu’il n’est pas possible de l’appréhender sous la forme « une personne est ce qui me ressemble » ? En fait, c’est de tout le contraire qu’il s’agit. En effet, en vertu du fait qu’une personne mérite un respect entier et absolu, la personne ne peut être que ce que je ne peux appréhender, elle est ce qui m’est le plus éloigné, c’est-à-dire le faible, le pauvre, le petit, bref, « la veuve et l’orphelin ». Et quel est l’être humain le plus éloigné de nous que l’embryon ? Quoi de plus difficile à appréhender qu’un fœtus ? Cela signifie que l’embryon représente la personne par excellence.

Mais la véritable démonstration de la personnalité de l’être humain dès son commencement réside dans les considérations éthiques que nous avons faites en début de ce chapitre. Le fait d’être une personne ne peut résider dans des considérations utilitaristes, relationnistes, philosophiques, anthropologiques, politico-juridiques, historiques, scientifiques. Sauf à considérer l’homme uniquement comme un objet que l’on peut manipuler au gré de notre connaissance ou de notre interprétation de ce qu’il est.

Car comment parler de respect inconditionnel de la personne, si nous nous permettons par ailleurs de définir qui est une personne ? C’est là que réside tout le paradoxe de la définition de la personne : il faut à la fois des conditions pour être une personne, et en même temps la valeur de la personne ne doit et ne peut dépendre de nous, sauf à réduire l’homme à un moyen, un objet. Comment donner une réponse objective qui soit indépendante de notre connaissance de l’homme, et de nos cultures et systèmes politiques ? Qui n’ait aucune valeur utilitariste ?  Quelle est donc la seule réponse objective, sinon que tout homme est une personne ?

Il n’existe pas d’autre réponse possible. La valeur de l’être humain dès le moment de son existence est la seule possibilité, l’unique solution pour respecter l’homme et pour que l’homme se respecte lui-même, en tant que personne ayant une valeur respectable.

Ce n’est pas une conception philosophique. Nous venons de nous servir de la philosophie – je dirais même de la logistique – comme moyen (et non comme fin) pour aboutir au fait que la seule façon pour l’espèce humaine de conserver sa dignité, c’est de se reconnaître en tant que telle dès l’instant de son existence. Que le respect s’étende à toute l’humanité. Ce n’est pas une position arbitraire ou « idéologique ». C’est la seule solution.

Les Anciens avaient bien compris cela. On entend souvent dire que les Anciens et le monde chrétien du Moyen-Âge autorisaient l’avortement, et donc qu’il n’y a pas de raison de ne pas en faire autant. Mais c’est pour la seule et unique raison qu’ils croyaient que l’embryon était une masse non humaine. Ce qu’est venue nous apprendre la biologie, c’est que l’être humain commence incontestablement et définitivement dès le premier instant de la fusion entre le spermatozoïde et l’ovule.

Ce raisonnement est le seul raisonnement fondateur du refus de l’avortement – comment des expérimentations sur l’embryon. A la rigueur, on a tout dit tout le reste n’est qu’argumentation sur des cas de conscience et sur des points secondaires. Toutes les questions qui vont suivre dans ce livre sont secondaires, ce qui ne veut pas dire qu’elles n’ont pas leur importance et qu’il ne faut pas tenter d’y répondre. L’éthique ne dispense par d’étudier les conséquences de nos actes, les cas de conscience, mais nous avons montré que les conceptions conséquentialistes ne peuvent en aucun cas fonder une éthique ou une vision de la personnalité de l’homme, sauf à se placer dans une logique de « la fin justifie les moyens ».

Mon espèce est digne de respect absolu, je n’ai pas droit de vie ou de mort sur tout ou sur une partie d’elle.

5. L'HUMAIN: TOUJOURS PAS DIGNE DE RESPECT. VOUS TENEZ UN DISCOURS RELIGIEUX.

On le connaît, ce discours ! L’homme est sacré depuis le commencement, etc… C’est de la morale ! Moi, je pense qu’un embryon, peu importe s’il est un homme, en tous cas, il n’est pas sacré, et l’avortement n’est pas un crime. Si vous croyez à l’âme, c’est peut-être un crime pour vous, c’est votre problème, mais n’obligez pas tout le monde à croire à ça.

Nous l’avons abordé tout à l’heure, la religion n’entre pas dans le fait que la personne soit absolue. Il n’est pas besoin de chercher des propriétés métaphysiques à l’homme pour affirmer qu’il est indigne de le traiter sans respect absolu.

Car effectivement, nous avons répondu à la question précédente que la seule réponse objective à la personnalité de l’homme est de dire – ou plutôt admettre – que tout homme est une personne. La seule autre réponse possible, en regard de ce que nous avons dit, aurait été qu' »aucun homme n’est une personne ». Ce qui revient à dire que la notion de « respect absolu » est surannée. Idiote. Que l’éthique n’existe plus. A ce moment, personne (comprend bien que c’est soit « personne » soit « tout le monde ») n’est digne de respect absolu en vertu de principes absolus. Il n’existe pas de principe absolu. Chaque société se dote alors de règles à elle, qui définissent le « bon » et le « mauvais » arbitrairement (il ne peut en être qu’ainsi, puisqu’il n’existe pas de principe éthique).

Cela veut dire qu’il serait acceptable, défendable, légitime que, dans des circonstances données, ceux qui ont le pouvoir de le faire puissent supprimer des catégories de notre espèce, dont la vie ne vaudrait pas plus que celle de mon poisson rouge. Mais nous faisons partie, toi et moi, de cette espèce ! Pourquoi pouvoir éliminer une catégorie et pas la tienne ? Il n’y a plus aucune raison de t’épargner, tu deviens un homme mort, et moi aussi.

En fait, ne pas considérer comme un principe absolu de la personne son respect -, c’est admettre que la fin justifie les moyens, et cela entraîne la loi du plus fort : tôt ou tard, seuls les plus aimés auraient droit de vie, les autres seraient les rebuts, qu’on peut éliminer sans état d’âme. Je te souhaite, alors, d’être du bon côté de la barrière, mais ce sont des barrières qui changent ! Et l’Histoire n’est pas avare d’exemples de totalitarismes qui ont appliqué la loi du plus fort, avec droit de mort sur les gens. Cela n’a jamais été glorieux….

Cet argument est celui de la nécessité: si je ne respecte pas l`homme je ne peux me respecter moi-même. Et je me tue. Inéluctablement. Même si je ne me tue pas « physiquement », je me « chosifie », je deviens un objet et un instrument, que l’on peut manipuler à son gré, et contre ma volonté (si je ne suis pas dans la majorité ou dans le pouvoir).

Cet argument de la nécessité n’est pas encore suffisant. Allons plus loin.

On objectera en effet que la plupart des animaux ne connaissent que la loi du plus fort. Soit dit entre nous d’ailleurs, s’ils passent leur temps à sauvegarder leur vie, bien souvent ils finissent tués, sort que peu d’hommes envient. Finalement ta question revient à se demander si, en somme, l’homme ne serait pas qu’un simple animal : sans principes, sauf ceux dictés par les nécessités pratiques d’organisation, telles qu’il en existe dans des sociétés animales.

Qu’est ce qui pourrait donc faire la dignité intrinsèque de l’espèce humaine par rapport aux autres espèces ? Eh bien c’est justement cette capacité de l’espèce à pouvoir se poser cette question. Je dis bien de l’espèce, et non pas de chaque homme : nous avons vu précédemment que c’est une propriété qui s’acquiert chez l’homme, et qui ne peut présider à sa dignité individuelle : elle échappe à toute antériorité.

Je le redis : il est évident que le principe des Droits de l’Homme est un principe intrinsèquement juste, absolument juste.

Il existe dans l’espèce humaine la capacité de se poser les questions que nous nous posons justement. Et la capacité d’y répondre, d’accéder à la logique. Il existe dans l’homme la capacité d’objectiver, de se remettre en question, de s’abstraire de toute réalité.

Le « je pense donc je suis » de Descartes ne signifie pas autre chose que la dignité intrinsèque et indiscutable de l’Homme. « Je pense » signifie la capacité de l’espèce humaine à se remettre objectivement en question ; le « Je suis » signifie la dignité absolue de l’espèce humaine.

Cela consiste à reconnaître qu’est inscrite dans l’espèce humaine une capacité d’objectiver, qui lui fait accéder à une notion de bon et de mauvais, intrinsèque, indépendante de telle ou telle croyance religieuse, ou de tel ou tel type de société, et qui est d’ailleurs le plus souvent innée et immédiate, sans qu’une réflexion philosophique soit nécessaire. C’est une conséquence de ce que tous les philosophes reconnaissent chez l’Homme (au sens de l’espèce humaine), à savoir la notion de conscience. Par exemple, le vol, la calomnie, le meurtre sont reconnus par l’espèce humaine comme un mal. C’est inscrit dans l’Homme. Même si on trouvera toujours certaines personnes (et du coup parfois des systèmes politiques tout entiers) qui diront (par utilité uniquement) que le vol, le meurtre, ou la calomnie ne sont pas mal. Dire que l’homme est « digne absolument » correspond à cette loi naturelle : dire le contraire heurte la conscience la plus élémentaire. Même si, je le répète, on pourra toujours trouver des personnes de mauvaise foi qui diront et répandront le contraire.

Et la religion n’a rien à voir avec tout cela. Nous avons vu dans la question précédente que le critère de la personnalité devait faire abstraction de considérations religieuses. La séparation de l’Église et de l’État en est heureusement une des conséquences logiques. Il en est de même pour la notion de dignité de la personne – ou d’animalité de l’Homme. Il est incontestable que l’homme procède d’une rupture fondamentale par rapport au monde animal, par sa raison. Laissons aux scientifiques et aux religions le soin d’expliquer le pourquoi, ce n’est pas l’objet de mon discours.

Mais l’homme (entendons « personne », donc « Homme » d’après la question 4), par nécessité et plus encore par nature, est digne de respect absolu.

Hippocrate, le père de la médecine, faisait jurer à ses disciples, quatre siècles avant Jésus-Christ : « Et je ne donnerai pas, quiconque m’en prierait, une drogue homicide ni ne prendrai l’initiative d’une pareille suggestion ; de même je ne donnerai à aucune femme de pessaire abortif ».

 » Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne. « Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, art. 3, Journal Officiel du 19/2/1949

« Le droit à la vie n’est pas une question d’idéologie. Ce n’est pas seulement un droit religieux. C’est aussi un droit de l’Homme, le plus fondamental. »Jean-Paul Il à Kalisz, Pologne – 4 juin 7997.

6. CE QUI FAIT DE NOUS DES HOMMES C'EST LA RECONNAISSANCE DE LA SOCIÉTÉ, NON ?

Sans la société, sans les autres et l’acceptation qu’ils font de nous, nous ne sommes rien. Par conséquent, un embryon non accepté par sa mère et non accepté par la société n’est pas, par définition, une personne.

Cet argument est hélas, lui aussi, trop fréquent. Nous avons vu en question 4 que cet argument ne tient pas. Pour la simple raison que cette définition de l’homme est celle d’une logique utilitaire, c’est à dire que dans cette vision, l’homme n’est que l’instrument d’une acceptation collective, une « cooptation ». Et qu’être l’instrument de quelqu’un ou d’un groupe d’individus, signifie un non-respect de la personne, c’est de l’esclavage, du racisme.

Nous allons cependant aborder cet argument sous un jour différent. Même si ce que nous avons dit en question 4 est largement suffisant.

Certes, si je n’ai aucun rapport social avec quiconque, que ce soient mes parents, ou la société, je ne suis rien, et on pourrait avoir tendance à croire que je n’existe même pas. Mais uniquement socialement ! Je n’ai pas besoin d’être vu, ou reconnu par les autres, pour exister ! Prenons un exemple : imagine-toi sur une île déserte, et ayant perdu toute ta famille et toutes les personnes qui t’ont connu. N’es-tu pas ? N’es-tu pas « toi » ?

Et si tu découvres un jour un bébé mort dans une poubelle (comme il en existe encore chaque année en France) ne te diras-tu pas que cet enfant a existé ? Était un homme ?

La société n’est qu’un moyen – nécessaire – pour l’homme de coexister (d’exister en groupe). Ce n’est pas une fin en soi ni un but ultime. Par conséquent, justifier la dignité de l’homme par l’acceptation de la société, est de nature absolument abusive.

7. L'EMBRYON FAIT QUAND MÊME PARTIE DU CORPS DE LA FEMME ?

Il n’y a pas de distinction entre l’embryon et le corps de la femme : les tissus des deux sont étroitement liés, et même si vous dites que les chromosomes sont différents, il reste pour moi complètement dépendant du corps de la femme. Alors, parler d’un être humain, distinct et autonome, dans ces conditions….

C’est un cas unique dans notre histoire à chacun : embryons, puis fœtus, nous avons tous été autonomes, et en même temps complètement liés à notre mère pendant neuf mois. Et c’est ce qu’a prouvé l’expérience du bébé éprouvette !

Un bébé, à la naissance, est dépendant, comme nous sommes tous nous aussi dépendants les uns des autres, d’une autre manière, à travers nos relations sociales. Ce bébé, si personne ne l’alimente, meurt en quelques heures.

Seulement, il a la chance de pouvoir être nourri par une infinité de personnes différentes.

L’embryon se trouve dans le même cas que le nourrisson, il est autonome, c’est-à-dire qu’il se développe par lui-même, il possède son identité propre, mais une seule personne, sa mère, peut le nourrir. Cette étroite dépendance est bien unique, et elle fait dire à beaucoup de personnes qu’il est un « morceau » du corps de sa mère.

Mais ce n’est pas parce qu’on ne peut le séparer de sa mère qu’il en est un morceau. Une personne sous assistance respiratoire permanente est complètement dépendante de son appareil, mais son appareil et elle-même sont bien distincts ! Certes, pour le cas du fœtus il y a le cordon ombilical, et les tissus maternels et embryonnaires se raccordent dans l’utérus. La nature a trouvé en effet un « biberon respiratoire » spectaculaire, formé de cellules vivantes ! Il ne faut cependant pas se leurrer : l’embryon possède sa nature propre, ses cellules propres, son sang propre, son développement propre. Il puise de son propre chef l’énergie dont il a besoin pour se développer, en utilisant le « biberon respiratoire » appelé cordon ombilical que lui seul a construit, et en s’alimentant des substances fournies par sa mère à travers le liquide amniotique. Il est donc distinct, autonome, et dépendant autant qu’un nourrisson peut l’être, sauf qu’une seule personne est à même de répondre à cette dépendance.

En définitive, il ne fait pas partie du corps de la mère, il est dans le corps de sa mère.

 » De l’obsession cosmétique aux fantasmes plasturgiques, en passant par le fétichisme sous-vestimentaire et la quête du salut sexuel, les leçons de narcissisme assénées aux femmes par voie d’affiche, d’écran ou de papier glacé, déclinent à l’infini la figure immobile d’un je plein de lui-même, bulle solipsiste, au verbe tout à la fois impérieux et défectif:  » si je veux, quand je veux, comme je veux « .

Cette doctrine, complaisamment abritée sous le pavillon du féminisme, recèle pourtant une idée sinistre de la femme qu’elle prétend émanciper. Elle fait d’elle un sujet fou, idolâtre de sa propre volonté, au sens où une vie peut être folle et une volonté sans objet. Elle l’exonère des obligations dont elle s’assortit tout exercice de la liberté humaine, en érigeant sa convenance en droit absolu, auquel n’est opposable nulle considération de l’intérêt d’autrui ou de sa propre dignité. Drôle de droit que ce droit-là, qui permet de manquer à tant de devoirs. Notamment au respect dû à l’intégrité physique et psychique de la personne – personne d’autrui ou du sujet lui-même. Ce respect de l’intégrité de la personne n’est-il pas une valeur que notre loi pénale, dans sa fonction expressive, désigne comme fondamentale pour la conscience de notre temps ?

En outre, si la faculté pour une femme de mettre fin à sa grossesse est jugée compatible avec cette valeur, elle s’assortit alors d’une série d’autres facultés dont il serait équitable d’étendre le bénéfice aux sujets masculins : se tuer, se mutiler, aliéner ses organes, voire se prostituer, avec l’assistance technique et financière de l’État. Peut-on imaginer interprétation plus cynique du droit de la personne humaine à disposer librement de son corps ?  » Élisabeth G. Sledziewski, maîtresse de conférences de science politique à la faculté de droit et de science politique de Rennes, in Le Monde du 6/10/2000: « IVG : un dossier éthique à rouvrir ».

 

8. LES FEMMES QUI AVORTENT SONT DONC DES CRIMINELLES ?

C’est bien ce que vous insinuez lorsque vous dites que l’avortement est un crime. Vous accusez les femmes, mais vous n’en avez pas le droit !

On peut juger un acte, mais plus difficilement la personne qui le commet. Il y a en effet une différence essentielle entre un « crime » et « criminel » : je peux faire un crime sans être un criminel. Je ne deviens un criminel que si j’ai donné la mort délibérément, en toute conscience, en pleine connaissance de cause. IL EST HORS DE QUESTION DE JUGER  UN FEMME QUI AVORTE, ET JE NE ME PERMETTRAI JAMAIS DE DIRE NI MÊME DE PENSER QU’UNE FEMME QUI AVORTE EST UNE CRIMINELLE. Qui connaît le drame de l’avortement ne peut pas dire cela !

Souvent d’ailleurs, la femme ne sait même pas ce qu’elle fait (ou ce qu’on lui fait faire) en avortant. On l’a bercée d’illusions, en lui racontant que son enfant n’est qu’un petit tas de cellules sans valeur, ou au contraire on l’a forcée, par des pressions, à supprimer la vie qu’elle possédait. Et elle s’en rend compte le plus souvent une fois que c’est fait. Le terme d’IVG est en cela symptomatique: on ne parle pas d’embryon, ni de fœtus, on nomme un sigle, de trois lettres dépersonnalisant ainsi complètement l’acte de sa réalité. On fait alors croire à la femme qu’elle subit un acte chirurgical tout aussi commun qu’une appendicite !

Combien de femmes sont allées avorter sous les pressions (directes ou indirectes) de leur famille, de leur compagnon, de leur médecin, de la conseillère du planning familial, de médias, et aussi de la société toute entière, qui ne lui proposait aucune autre solution ! Alors comment oser accuser une femme qui avorte ! Quelle inconscience et quelle méconnaissance de la réalité !

Il faut savoir que toutes les femmes sortent fragilisées d’un avortement. Outre qu’un avortement augmente la probabilité de stérilité de 10% chez une femme, il a des conséquences psychologiques extrêmement importantes. Les médecins ont même donné un nom à ce phénomène bien connu maintenant, en l’appelant « le syndrome post-avortement », et qui se traduit par des états dépressifs et des troubles psychologiques qui, s’ils ne sont pas soignés, peuvent durer toute une vie. En effet, une femme qui avorte, même si elle n’en a pas vraiment conscience, ne peut éviter « d’inscrire dans son inconscient qu’elle a détruit une vie humaine, ce qui lui crée un traumatisme profond7″.

9. LA LOI N'A-T-ELLE CEPENDANT PAS TRANCHÉ SUR LE STATUT DE L'EMBRYON ?

La loi n’a jamais reconnu que l’embryon ou le fœtus sont un être humain, au moins avant 10 semaines. Que je sache, nous sommes dans une démocratie, les lois qui sont votées sont donc l’expression du peuple, et ce débat sur le statut de l’embryon n’a, par conséquent, aucune raison d’être, c’est le peuple qui a décidé, un point c’est tout.

Éternelle question de la loi….. Que dit-elle, à propos ?

Article 1 de la « loi Veil » : La loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie. Il ne saurait être porté atteinte à ce principe qu’en cas de nécessité et selon les conditions définies par la présente loi.

La loi reconnaît donc bien (implicitement au moins) le droit à la vie de tout être humain, sauf dans certaines conditions. L’avortement reste donc un délit, sauf s’il rentre dans les conditions particulières décrites par la loi, et, le cas échéant, cela ne s’appelle plus (en terme légal) avortement mais IVG (Interruption Volontaire de Grossesse).

Ceci pour répondre à l’objection sur le statut de l’embryon vis-à-vis de la loi.

Mais quand bien même la loi aurait décidé que l’embryon n’est pas un homme, cela serait-il vrai pour autant ? Une loi, même si elle est l’expression du peuple, n’est pas forcément juste ; une majorité, dans une démocratie, n’a pas forcément raison. Le droit à la vie est, comme nous l’avons dit, un droit fondamental de l’être humain, qui ne saurait être nié par aucune loi. La loi n’est pas une fin en soi, elle est au service de la justice. Dès lors qu’elle échappe à la justice la plus élémentaire, elle n’a même pas valeur de loi. Ce n’est ni de l’idéologie, ni de la philosophie que d’affirmer cela, et je ne me place pas au-dessus des lois. J’affirme seulement qu’une loi, autorisant la suppression d’un être humain, même sous certaines conditions dont on pourra discuter, ne rentre pas dans le cadre qui est sien.

Prenons un exemple : si demain, une majorité de Français vote une loi profondément raciste, ou bien une loi permettant l’élimination de tous les trisomiques, ne penses-tu pas que ces lois seraient non seulement injustes, mais tout simplement invalides ? Qu’elles échapperaient au rôle normal de législateur ?

Autre exemple : les lois des siècles derniers autorisant l’esclavage. Quand bien même elles auraient été votées  de manière démocratique, auraient-elles été justes pour autant ?

Il y a certaines vérités qui ne sont pas dépendantes de l’expression populaire – heureusement d’ailleurs ! – et c’est le cas entre autres du droit à la vie : aucune loi ne pourra jamais rien y changer.

 » Si c’est l’État – c’est-à-dire, en fait, le parti au pouvoir – qui, au gré des majorités changeantes et des opinions fluctuantes, définit le bien et le mal, le vrai et le faux, le juste et l’injuste, il devient une religion de substitution et dégénère en tyrannie – ainsi que l’attestent les atrocités qui ont ensanglanté le XXème siècle. (…) Indéniablement, il y a des droits qui sont supérieurs aux lois et antérieurs à l’État parce qu’inhérents à la personne humaine, consubstantiels à sa nature, participant à sa dignité.  » Joël-Benoit d’Onorio, directeur du département des sciences juridiques et morales de la faculté de droit d’Aix-en-Provence, in L’Express – 25 mai 7995.

Allons même plus loin : si, sous prétexte de démocratie, un état se met en tête de définir, par l’expression de la majorité populaire, des droits aussi fondamentaux que ceux de la vie ou de la dignité, alors cet État n’est plus du tout démocratique mais totalitaire. Prenons l’exemple de la peine de mort en France : la majorité des Français est – paraît-il – favorable à un retour de la peine de mort en France. Les plus farouches demandent un référendum pour statuer. Pourtant, tous les gouvernements jusqu’à présent ont refusé le référendum, parce qu’ils considèrent à juste titre que le droit à la vie – même pour des criminels – se situe au-dessus de l’assentiment populaire, et que l’argument de la légitime défense ne prévaut pas puisqu’on a les moyens, dans nos sociétés développées, de garder en sûreté un criminel en prison.

Enfin, une autre preuve flagrante du caractère arbitraire de la loi sur l’avortement: les autres pays (démocratiques) autorisent l’avortement sous des délais extrêmement variables, et cela  va même jusqu’à 9 mois, au Japon ou en Chine. Ainsi, avorter à 8 mois de grossesse est considéré comme un meurtre en France, mais pas au Japon ! Quelle absurdité !

Neuf mois, quelle horreur, dira tout le monde ! C’est inhumain ! Et bien non, c’est « humain » dans certains pays… Et est ce vraiment fondamentalement beaucoup plus terrible que nos 12 semaines en France ?

« Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. »
Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de L’Homme et des Libertés Fondamentales, art. 1er – 1.0 du 4/5/ 1974.

10. NE PEUT-ON ÊTRE CONTRE L'AVORTEMENT MAIS POUR LA LOI ?

Après tout, l’avortement a toujours existé, et la loi n’a fait que donner des conditions sanitaires décentes aux femmes qui avortaient avec des aiguilles à tricoter. Il ne faut pas se leurrer, ce n’est pas en supprimant la loi qu’on supprimera l’avortement, c’est un moindre mal !

La notion du moindre mal est souvent mal utilisée et mal comprise. Le moindre mal consiste à choisir, entre deux solutions mauvaises, la solution qui entraîne le mal le plus faible. Encore faut-il qu’il n’existe pas une troisième voie qui ne soit pas un mal.

Dire que la légitimation (par la loi) de l’avortement est un moindre mal suppose qu’il n’existe pas d’autre solution pour toutes les femmes qu’avorter clandestinement ou avorter légalement. Or cela est faux. Il existe toujours la possibilité de ne pas avorter (même si cette solution n’est pas toujours évidente, et si souvent les raisons d’avorter sont réelles, nous y reviendrons plus loin). Ce qui signifie que le « moindre mal » ne peut s’appliquer ici.

Allons plus loin encore. La légitimation d’un acte intrinsèquement mauvais car il dégrade l’homme, a des effets intrinsèquement pervers au niveau des consciences individuelles. Il est connu et constaté que tout ce qui est légal est  considéré rapidement comme légitime et non contraire à l’éthique. Légaliser (ou dépénaliser) l’avortement conduit les citoyens y compris les « fortes têtes » – à considérer l’acte comme éthiquement acceptable.

Un exemple : légitime-t-on le vol parce qu’il existe ? L’injustice ne peut se légitimer par une loi, même si cette injustice existera toujours, même si on ne la légalise que pour des cas d’exception. Un pauvre ne sera peut-être pas condamné s’il vole par nécessité, car il a droit à ce qu’on appelle « les circonstances atténuantes », ce n’est pas pour autant qu’il a le droit, légalement, de voler ! C’est exactement la même chose pour l’avortement.

Je ne suis pas assez fou pour croire que l’avortement n’existera plus s’il est interdit. L’avortement a malheureusement toujours existé, certes, comme le vol, le viol, la pauvreté, le crime ont toujours existé. Il y a cependant belle lurette que les aiguilles à tricoter ont disparu de notre civilisation et, même avant 1975, la plupart des femmes avortaient dans des conditions sanitaires normales. D’autre part, l’avortement existera encore jusqu’à la fin des temps, c’est une réalité incontestable. Et même la mise en place de mesures fortes d’aides aux femmes en détresse ne le supprimera pas pour autant. Comme le vol et la pauvreté. Mais ce n’est  pas une raison suffisante pour le légitimer.

Les chiffres de l’avortement sont là pour prouver l’absurdité de la loi. Avant la loi, il y avait, d’estimation officielle, 65 000 avortements (illégaux) en France8. Il y en a maintenant environ 65 000 illégaux par an, en plus des 160 000 légaux, soit un total d’environ 225 0009. La loi n’a donc rien changé sur le nombre d’avortements illégaux, elle a seulement multiplié par 4 le nombre total d’avortements, pour une population qui n’a pas beaucoup augmenté.

Enfin, soulevons un argument supplémentaire (mais non nécessaire) qui réside dans la forme de la loi sur l’IVG. Cette dernière dit en effet que : « seule la femme est à même de juger de son état de détresse ». N’importe quelle femme enceinte peut donc se déclarer « en état de détresse », sans avoir à se justifier. Comment croire dès lors que cette loi s’applique seulement aux vrais cas de détresse ? Comment espérer faire la distinction entre les avortements de confort et les cas vraiment difficiles ? En fait, cette loi autorise n’importe quelle femme qui veut avorter à avorter. Si un gynécologue déclare une grossesse de 9 semaines avant de l’interrompre, qui pourra s’apercevoir qu’elle en avait 13 en réalité ? Un « juge d’instruction échographiste ? ».

On ne peut donc être contre l’avortement et pour la loi. Quelle hypocrisie, là aussi !

 » De deux chose l’une alors. Ou bien avorter, comme penser ou se déplacer, est un droit personnel essentiel, et l’on ne voit pas à quel titre la femme devrait être dissuadée d’en user. Ou bien cette dissuasion se fonde sur le caractère mutilant et mortifère de la démarche abortive, même médicalisée, et l’on ne voit pas comment une telle démarche pourrait être assimilée à un droit de la personne essentiel.  » Élisabeth G. Sledziewski, maîtresse de conférences de science politique à la faculté de droit et de science politique de Rennes, In Le Monde du 06/10/2000: « l’IVG: un dossier éthique à rouvrir »

Et à propos d’hypocrisie:

 » L’avortement, je ne peux pas, toujours pour les mêmes raisons, m’y déclarer opposé, mais dans l’absolu, tuer sa propre graine ne me paraît pas une solution satisfaisante. Il m’a été donné d’endormir des femmes avant qu’elles subissent un avortement. J’ai vu des fœtus respirer dans la poubelle où ils étaient jetés, d’autres y bouger encore. Il est difficile de ne pas éprouver de compassion à ces moments-là.  » Xavier Emmanuelli, ancien Secrétaire d’État à l’action humanitaire d’urgence, dans son livre « J’attends quelqu’un », Albin Michel, 1995

 » Une civilisation qui rejetterait ceux qui sont sans défense mériterait d’être qualifiée de barbare, même si elle connaît de grands succès économiques, sociaux, technologiques, artistiques ou scientifiques.  » Jean-Paul II à Kalisz, Pologne – 4 juin 199710

11. L'AVORTEMENT A ÉTÉ LÉGALISÉ POUR DES QUESTIONS DE SANTE PUBLIQUE ?

Sans loi autorisant l’IVG, on se retrouve avec un problème de santé publique majeur! Vous imaginez les problèmes posés par l’ensemble des femmes ayant décidé d’avorter ? Décès en série, complications, etc.., vous allez les voir, les chiffres !

C’est sûr que si on supprime la loi sans rien proposer à côté (aides aux femmes, accompagnement, allocations pour les femmes en détresse, etc..), on risque de se retrouver avec un problème de santé publique majeur. Et même avec des aides, il y aura certainement plusieurs milliers de femmes qui avorteront clandestinement chaque année en France. Mais il y en a déjà 65 000 par an (dans des conditions sanitaires parfaites) ! Et il est sûr qu’avec une vraie politique pour les femmes enceintes, il n’y aurait pas même 65 000 avortements par an.

On pourrait objecter qu’il serait intéressant de mettre en place une politique d’aide aux femmes enceintes, tout en maintenant la loi pour celles qui ont vraiment décidé d’avorter.

Un exemple : le suicide est un problème de santé publique majeur (40 000 tentatives de suicide chez les moins de 25 ans par an en France). Pourtant, si tu veux absolument te suicider, tu peux le faire. Et c’est vrai que comme personne ne t’aidera, puisque ce n’est pas légal, tu as pas mal de chances (à peu près 3 sur 4) de te rater et d’en ressortir diminué (tétraplégique avec une arme à feu, sans cordes vocales avec la pendaison,…). Mais est-ce à dire qu’on devrait mettre en place des structures légales pour aider les gens qui l’ont vraiment décidé à se suicider « proprement », tout en continuant une politique de lutte contre le suicide ? C’est absurde ! Même si c’est vrai qu’avec un tel scénario, on peut espérer réduire ce problème de santé publique, puisqu’il n’y aurait plus de « suicides ratés ».

Pour l’avortement, c’est un peu la même chose : pour des raisons de santé publique, on a instauré l’avortement légalisé, sous prétexte de faire du « travail propre » …

Le fond du problème est donc qu’on n’a pas pris la question de l’avortement à sa source. Faire en sorte que personne n’ait de raisons d’avorter, ça, c’est une vraie solution. Nous y reviendrons.

12. REVENIR SUR LA LOI, C'EST CRÉER DES INJUSTICES ENTRE RICHES ET PAUVRES.

Parce qu’alors, seules les riches pourront subir une IVG si elle le désirent, en allant avorter à l’étranger, et les pauvres seront exclues, parce qu’elles n’auront jamais assez d’argent, ou bien elles reviendront à des pratiques clandestines dans des conditions effroyables !

Retournons l’argument : Aujourd’hui, il est clair qu’un manque d’argent aggrave terriblement la détresse des femmes et influe fortement sur le choix de garder ou non l’enfant. Il existe donc une injustice flagrante dans la loi puisque les « riches » peuvent garder leur enfant, alors que les « pauvres » sont souvent poussées à avorter car elles n’ont pas d’autre possibilité. Encore une fois, l’existence de la loi rend encore plus large le fossé qui sépare le riche du pauvre, car cette loi a supprimé toute autre solution et aide matérielle aux femmes enceintes en difficulté. Et je t’assure qu’il coûte plus cher d’élever un enfant que d’avorter, même clandestinement. Ce qui signifie que l’injustice sociale réside dans l’absence d’aides (sociales et matérielles) aux femmes désirant élever leur enfant. Les chiffres le prouvent : les femmes qui ont recours à l’IVG sont majoritairement des chômeuses ou des employées.
(L’IVG en question, Alexandre ESCOT, Place au soleil, 2000)

Le rôle de l’État est, entre autres, de permettre une justice sociale, c’est à dire d’éviter que le système économique ne conduise à des injustices ou crée les conditions de la misère. D’où les principes de SMIC, de RMI, et des allocations familiales, etc. Revenir sur la dépénalisation de l’avortement ne dispense surtout pas – bien au contraire, puisque c’est le devoir des politiques – de proposer de véritables solutions (soutien psychologique et matériel) aux cas de détresse.

13. VOUS AVEZ PEUT-ÊTRE RAISON, MAIS RESPECTEZ CEUX QUI PENSENT AUTREMENT !

Et surtout n’imposez pas vos convictions à tout le monde ! C’est de l’intolérance que de vouloir imposer sa façon de voir aux autres, même si elle peut être juste et fondée !

La tolérance est un mot difficile à manipuler, et qui est le plus souvent utilisé à tort et à travers.

La tolérance au sens courant du terme consiste à « admettre chez autrui une manière de penser ou d’agir différente de celle qu’on adopte soi-même11« . Cela ne veut pas dire « permettre de faire n’importe quoi ».

Raisonnons encore par analogie. Supposons que telle personne, raciste, déclare que selon sa conviction telle catégorie de personne est « inférieure ». Si je suis tolérant, je respecte la personne malgré ses convictions, qui me sont, entre nous, insupportables. Mais je n’accepte pas pour autant qu’il en vienne à réduire des personnes à l’esclavage ! Même si c’est sa conviction la plus profonde et la plus sincère que l’esclavage est légitime.

Et en allant plus loin, c’est bien cette personne qui, manifestement, fait preuve d’intolérance !

Il ne s’agit pas d’imposer une manière de penser – ce serait de l’intolérance – mais de reconnaître qu’il existe des manières de penser qui sont objectivement injustes. La manière contemporaine de penser l’avortement est injuste car s’appuyant sur une conception qui revient à dire, in fine, que la fin justifie les moyens. Que la conséquence des actes est le critère de la justesse des actes. Je respecte les personnes individuelles qui pensent comme cela, je respecte ces personnes en tant que telles, car toute personne a droit à mon respect. Mais je continue d’affirmer que cette position est erronée et qu’elle ne peut être « validée » ou avalisée par un État ou une collectivité.

Attention : il ne s’agit pas de croyance ; au sens de la croyance en une doctrine, une philosophie, ou une religion. Nous l’avons vu, la question de l’avortement pose la question de la dignité de tout homme, et elle doit dépasser le cadre des croyances. Ne pas l’admettre, c’est cela qui est de l’intolérance, et, je dirais même, la plus grande intolérance que celle de ne pas respecter autrui ?

En revanche, je respecte n’importe quelle croyance et je n’aurai pas la prétention d’affirmer péremptoirement que telle croyance qui est la mienne est la seule juste. Le contraire serait de l’intolérance.

Tolérer peut avoir un autre sens, un sens politique. Dans ce cas la tolérance consiste à fermer les yeux sur un mal quand sa répression engendrerait un plus grand mal. On peut par conséquent tolérer la consommation excessive d’alcool (tant que la personne ne conduit pas) car le contrôle strict des consommations d’alcool chez chacun signifierait qu’il faudrait surveiller la vie privée de tout le monde continuellement, ce qui serait de nature dictatoriale. On peut tolérer un mal lorsqu’il faudrait surveiller la vie privée de tout le monde continuellement, ce qui serait de nature dictatoriale. On peut tolérer un mal lorsqu’il est mineur; mais on ne peut jamais légaliser une manière de penser intolérante, quelle qu’elle soit, sous prétexte de tolérance; légaliser le suicide ou l’automutilation, ou encore le viol, serait abominable12, car cela signifierait réduire l’homme à un simple matériau, un simple moyen et non une fin en soi.

14. NE PENSEZ-VOUS PAS QUE LA DÉCISION D'AVORTER N'APPARTIENT QU'A LA FEMME ?

C’est une décision tellement personnelle d’avorter qu’elle n’appartient qu’à la femme, et à elle seule, et on n’a pas le  droit d’empêcher une femme d’avorter. C’est sa vie privée. On ne va quand même pas l’obliger à garder son bébé pendant 9 mois contre son gré, c’est horrible! Vous vous rendez compte du traumatisme, pour elle ?

Ce serait une décision complètement personnelle si l’embryon était sa pleine propriété. Mais peut-on être propriétaire d’un être humain ? Si oui, alors rétablissons tout de suite l’esclavage !

Un être humain n’appartient à personne, pas même à ses parents, au sens du droit de vie ou de mort. Ceux -ci sont chargés de son éducation, leur enfant est « le leur », dit-on dans le langage courant, mais cela s’arrête là. L’éducation consiste justement à apprendre à faire de son enfant un homme libre qui n’appartient à personne d’autre qu’à lui-même. C’est pourquoi la femme n’a pas le droit moral de détruire l’embryon qu’elle porte. C’est parfois très difficile, car cela signifie pour elle de garder un enfant pendant 9 mois dans son ventre, même si elle ne le veut pas.

En somme, c’est incontestablement la femme qui est la personne la plus concernée par le bébé qu’elle porte, mais la décision d’avorter ne lui appartient pas pour autant.

Précisons cependant qu’il est toujours nécessaire d’écouter une femme qui désire avorter, et de lui donner les moyens de s’exprimer en face d’un médecin ou d’un psychologue. Il n’est pas question de dire à une femme : « eh non, désolée, votre enfant ne vous appartient pas, donc l’avortement vous oubliez, merci et au revoir ça fera 200 Francs » Françoise Dolto, célèbre pédopsychiatre, et auteur de nombreux ouvrages sur l’enfant, le dit bien. « Ce serait un véritable crime de rejeter de but en blanc la demande d’une femme qui vient pour avorter, avec des propos du genre : « Ah, comme c’est un mauvais acte, Mademoiselle ou Madame, etc. !  » et puis de l’envoyer aller voir ailleurs.  Le résultat est que, ou bien ces femmes avortent tout de même (…), ou bien, par détresse ou par bêtise, elles n’osent plus rien dire et conservent ce fœtus qui leur est comme un corps étranger13. » Bien que Françoise Dolto soit pour l’avortement, je suis d’accord avec elle sur ce point : il faut écouter  les femmes. La femme reste concernée par son enfant, mais il s’agit de lui expliquer et de lui faire prendre conscience – le plus en amont possible, c’est à dire si possible avant la conception – qu’elle est dépositaire d’une nouvelle vie, tout en écoutant systématiquement les raisons qui peuvent la pousser à vouloir avorter. Le fait d’être enceinte est toujours une situation délicate, qui s’accompagne de changements profonds dans le corps et la psychologie de la femme, et qui peut générer, pour des raisons extérieures (environnement familial, nombre d’enfants, situation matrimoniale, situation financière ou professionnelle) ou des raisons personnelles (histoire personnelle de la femme, identification sexuelle,…) des peurs ou des angoisses. Par conséquent, considérer que la femme n’a pas droit de mort sur son enfant ne doit pas être interprété comme une position machiste ou despotique, mais doit faire l’objet d’une attention, d’un suivi, d’un accompagnement et d’une aide bien concrète qui ne se limite pas à l’écoute et des mots ! Et cela n’est pas utopique du tout.

15. VOUS PENSEZ UN PEU A LA DÉTRESSE DES FEMMES ?

Je suis désolé, mais il y a des femmes qui sont dans une détresse noire, pour tout un tas de raisons, soit qu’elles soient célibataires, soit qu’elles n’ont pas un sou, soit qu’elles sont battues. Il y a en fait des centaines de cas possible. L’avortement est alors la SEULE solution pour elles.

Effectivement, il y a des femmes qui n’ont d’autre solution qu’avorter. Il y a aussi des détresses terribles, des cas de misère énorme, des cas où la femme ne désire absolument pas l’enfant qu’elle porte, ceci pour des raisons tout à fait compréhensibles. Je pense sincèrement que des femmes ont de réelles raisons d’avorter, et je te rejoins complètement.

Mais c’est ce qu’il nous faut changer.

Regardons un peu la situation actuelle. Aujourd’hui, une femme enceinte, dans une détresse noire, n’a pas d’autre solution qu’avorter parce qu’il n’existe pas d’autre solution ! Ou qu’on ne lui propose pas d’autre solution suffisamment valorisée. On a instauré la loi sur l’avortement, sans rien proposer comme alternative. De plus, cette loi a déresponsabilisé l’ensemble de la population vis-à-vis de la valeur de la vie. Je pense en particulier aux hommes, qui savent bien qu’en « mettant une femme enceinte », qu’il restera toujours la solution de l’IVG. Je connais combien d’hommes qui, par leur irresponsabilité, ont poussé des femmes à avorter ! La loi sur l’avortement n’a pas libéré la femme, elle l’a rendue esclave en banalisant la valeur de la vie et la gravité de la maternité.

Tu me diras qu’il n’y a pas que cet aspect des choses et tu as raison. Avant la loi, il existait aussi des cas de misère noire des femmes, qui allaient se faire avorter clandestinement. Je te répondrai qu’on ne résout jamais un problème en le supprimant. Prenons un exemple : il y a des cas de pauvreté extrême dans le monde et même en France. On pourrait envisager plusieurs solutions pour régler ce problème crucial. Première solution, on supprime tous les pauvres (plutôt improbable, car ils peuvent descendre protester dans la rue, contrairement aux embryons ; et puis il est difficile d’éliminer une personne de 80 kg, bien visible, tandis qu’il est nettement plus facile d’éliminer un embryon de quelques grammes, invisible). Effectivement, on a alors réglé le problème de la pauvreté. Mais on n’a rien réglé du tout, on ne s’est pas attaqué aux racines du mal et le crime est, en plus, abominable. Seconde solution, on propose une loi permettant à tous les pauvres (selon un critère de pauvreté) de voler une certaine somme par mois. Argument avancé : comme ces personnes n’ont d’autre solution, en dernier recours, que voler pour survivre (ce qui se comprend parfaitement), laissons-les voler en toute légalité. Cette solution serait elle aussi abominable, car elle ne proposerait qu’une solution malheureuse, indigne, sans qu’on s’attaque aux causes de détresse de ces pauvres. En plus, elle signifierait qu’on ne s’intéresse pas à cette population défavorisée : il y aura immédiatement une démission morale de l’ensemble de la population et de l’État, qui cesseraient de chercher des solutions humaines à la pauvreté.

Ne souhaitons pas comparer à tout prix cet exemple avec celui de l’avortement, ni faire aucun amalgame de mauvais goût. Mais il existe incontestablement des similitudes profondes entre ces deux situations : la détresse des femmes existe, mais ce n’est absolument pas une raison qui justifie de légaliser ou encourager l’avortement. De même qu’on n’empêchera jamais un pauvre (ni un riche !) de voler, on n’empêchera jamais une femme d’avorter. Attaquons-nous donc à la source du problème. Cherchons donc des solutions pour empêcher les situations de détresse de se produire, et des solutions pour atténuer la détresse lorsqu’elle survient. Mais ces solutions doivent être humaines, et ne peuvent passer par la suppression d’un individu tiers qui n’a, lui, rien demandé.

Enfin, une dernière remarque. On parle souvent des filles célibataires, mineures, paumées, qui se retrouvent enceintes à 15 ans sans savoir forcément qui est le père, et dont la vie agitée et instable n’est pas spécialement adaptée à la venue d’un enfant. Toutes les études montrent que ces filles -quasi-systématiquement poussées par le corps médical et social à avorter – sont définitivement déstabilisées lorsqu’elles avortent. Souvent, le seul amour qu’elles connaissent est celui de leur propre enfant. Le supprimer signifie la mort de tout amour stable et constructif pour elles. D’autant que leur jeune âge les rend particulièrement sensibles aux ravages du syndrome post-avortement. Au contraire, celles qui ont gardé le bébé retrouvent le plus souvent une certaine stabilité: elles vivent pour leur enfant qui leur donne l’énergie pour s’en sortir. Aidées et accompagnées, elles se responsabilisent et sont véritablement heureuses, ce que montrent, je le répète, toutes les études et les reportages parfaits sur ces cas.

16. DEUX MAUX: NE FAUT-IL PAS CHOISIR LE MOINDRE, EN L’OCCURRENCE L'AVORTEMENT ?

Entre la détresse d’une femme, et un embryon qui ne ressent rien, et n’est, pour le moment, qu’un tout petit être vivant de quelques millimètres, il n’y a vraiment pas à hésiter, la mère passe cent fois avant ! Et même si, comme vous le dites, on commet un crime en avortant, je trouve que le crime est bien plus grand lorsqu’on oblige la mère à garder son bébé.

Le problème est mal posé, car ici tu supposes que si la femme garde son enfant elle restera forcément dans une situation de détresse, et que si elle pratique une IVG, sa détresse disparaîtra.

Mais quand bien même. Est-ce vraiment un moindre mal que de supprimer un embryon, même s’il ne ressent rien (il ne ressent rien à condition que l’IVG soit pratiquée avant 3 semaines) ? Le mal est grand si on oblige la mère à garder le bébé sans rien faire pour l’aider : cela s’appelle l’exclusion. Mais entre la vie et la dignité d’un être humain, et n’importe quelle situation différente, fût-elle terrible, la vie humaine passe avant. Nous l’avons vu, on ne peut légitimer les raisonnements du genre « il vaut mieux supprimer telle personne que vivre une souffrance psychologique ».

Enfin, on ne règle même pas la misère de la femme en lui permettant d’avorter, car ses conditions objectives de détresse n’ont pas été changées avec la disparition de l’enfant. De plus, elle gardera toute sa vie les traces de son avortement, à travers le syndrome post-avortement.

Pourquoi tant d’hommes de ce siècle ne croient plus en la possibilité de régler et soulager la misère ? On baisse trop souvent les bras devant des situations difficiles, en acceptant des solutions bancales, injustes, et – l’expérience le prouve – inefficaces. Pourtant rien n’est jamais impossible, avec des personnes déterminées et courageuses, pour trouver des solutions humaines et satisfaisantes.

On entend aussi souvent la réflexion suivante : « Et si la mère se suicide parce qu’elle ne peut avorter ou parce qu’elle est obligée de garder son enfant » ? Un tel cas montrerait d’abord qu’on n’a pas réglé la détresse de la femme. De plus, une récente et très sérieuse étude finlandaise13 portant sur les statistiques nationales des années 1987 à 1994, a montré que le taux de suicide des femmes dans l’année qui suit un avortement, est six fois plus élevé que celui des femmes menant à terme leur grossesse. Ceci veut dire que si une femme déclare être prête à se suicider si elle doit garder son enfant lui proposer l’avortement augmentera (en moyenne) ses chances de se suicider d’un facteur six.

Bien entendu tu penseras sans doute avec raison que cette étude est biaisée puisqu’il paraît probable que les femmes qui avaient choisi d’avorter avaient déjà des problèmes tels qu’elles avaient plus de raisons de se suicider que les autres. Néanmoins cette étude montre que l’IVG n’apporte pas aux femmes qui y ont recours la solution adéquate, que la présence du bébé n’est que rarement la source principale de leur détresse, et que donc il est mensonger de leur proposer une interruption de grossesse pour mettre un terme à leurs ennuis. Enfin, l’étude montre aussi qu’il est extrêmement rare qu’une femme enceinte soit tentée par le suicide, même quand l’enfant qu’elle porte n’est pas désiré.

Abordons la question du suicide des femmes sous un autre jour. On pourrait dire que cette question renvoie au problème de la légitime défense. Or, le raisonnement du suicide de la femme enceinte peut se décliner sous la phrase suivante : « soit je te tue, soit je me tue ». Même si les raisons objectives de se donner la mort peuvent (et doivent) être comprises, on ne saurait légitimer l’acte lui-même, car il rentre dans le domaine affectif (chantage de sa propre vie). La légitime défense, c’est « tu tentes de me tuer, donc je dois te tuer pour éviter d’être tuée par toi ». La personne qui déclare  « soit je te tue, soit je me tue » donne à sa vie la valeur d’un objet (d’un moyen) pour a posteriori faire de l’autre un objet, son objet. Le légitimer revient à avaliser cette démarche, donc à mépriser et l’embryon et la femme.

L’avortement n’est donc pas un moindre mal, ça, non !

17. ET UN ENFANT NON DÉSIRÉ NE SERA-T-IL PAS MALHEUREUX ?

C’est injuste de proposer une vie malheureuse à un enfant. Il vaut mieux qu’il ne voie jamais le jour, ça lui évitera de souffrir toute sa vie.

Cet argument est curieusement extrêmement fréquent, et témoigne de l’état d’anesthésie dans laquelle notre société s’est progressivement enfoncée.

Certes, un enfant non désiré a, peut-être, une probabilité plus grande d’être malheureux qu’un autre : on peut imaginer que l’environnement familial dans lequel il vivra sera plus difficile, que l’attachement de ses parents sera faible et donc générera  des névroses ou des déficiences lors de son développement affectif et sexuel. Cependant, on ne peut affirmer qu’il sera forcément malheureux : ce serait faire injure à la science statistique, et surtout injure à la liberté de l’Homme !

En effet, une femme qui garde un enfant non désiré apprend généralement à l’aimer, cela lui devient naturel. Il ne faudrait pas croire que tous les enfants non désirés sont mal aimés de leurs parents. Le désir d’enfant est extrêmement fluctuant au cours de la grossesse : ainsi, une femme qui ne désire pas son enfant dans le ou les premiers mois de la grossesse le désirera généralement assez rapidement14. La proportion de femmes qui refusent catégoriquement d’aimer leur enfant, même après la naissance, reste très faible. En général l’absence d’amour maternel n’est pas dû à un non désir d’enfant mais à un problème psychique de la mère que l’on traite dans des centres spécialisés. C’est pour cette raison qu’on n’a pas le droit d’affirmer qu’un enfant non désiré sera malheureux.

Enfin, et surtout, PERSONNE N’A LE DROIT DE PRÉJUGER DU BONHEUR D’AUTRUI. Certaines personnes sont plus favorisées que d’autres, nous avons tous plus ou moins de chances pour tel ou tel aspect de la vie  que ce soit l’affection donnée par nos parents, les moyens matériels qu’ils ont pu mettre à notre disposition, nos études, les amis qu’on a rencontrés, les circonstances imprévues de la vie, le malheur, la perte de quelqu’un de cher, etc. Et si cela contribue à notre bonheur ou à notre malheur, nous restons les acteurs de notre propre vie. Dès lors, supprimer quelqu’un sous prétexte qu’il partirait dans la vie avec des désavantages certains (au passage, cela s’appelle l’eugénisme) serait absurde, pour ne pas dire plus. Ce serait nier la propre liberté de l’Homme et, pardonne-moi, le prendre pour un imbécile !

Et puis il y a une multitude de personnes malheureuses qui ont été désirées par leurs parents. Faut-il donc aussi les supprimer silencieusement ?

De surcroît, l’étude détaillée du syndrome post-avortement a mis en évidence qu‘un enfant né d’une femme qui a avorté a plus de chance d’être malheureux qu’un autre. Ceci en raison premièrement d’une altération de la relation mère-enfant, et deuxièmement du fait que l’enfant sait généralement inconsciemment que sa mère a avorté15.

« L’avortement conduit à terme à l’enfant idéalisé et à l’eugénisme. » Xavier Emmanuelli, ancien Secrétaire d’État à l’action humanitaire d’urgence, in Libération – 13 janvier 1997.

18. NE VAUT-IL PAS MIEUX L'AVORTEMENT QUE LA RUPTURE DU COUPLE ?

Souvent, la femme sait que si elle n’avorte pas, son couple éclate. Se retrouver seule, parfois sans un sou, parce qu’on a voulu garder son bébé envers et contre tout, je trouve ça abominable. Ne parlons même pas des cas où la femme a déjà d’autres enfants, et où elle va devoir les élever seule. D’autant plus qu’une femme seule avec un bébé sur les bras ne retrouvera jamais un homme qui veuille d’elle !

Souvent effectivement, la femme enceinte doit choisir entre avorter et rester avec son compagnon, ou garder son bébé et se faire « plaquer ».

Juste un chiffre : selon une étude américaine, 70% des couples se séparent dans les trois mois qui suivent un avortement. C’est à dire qu’un couple qui a subi un avortement se sépare 7 fois sur 10 dans les 3 mois qui suivent.

L’explication est simple et très dure en même temps : l’amour ne supporte pas la mort. Encore moins le meurtre, fût-il inconscient. Dès lors qu’un meurtre survient (même si les époux ne savent pas explicitement que c’est un meurtre, surtout nous ne jugerons jamais), l’amour est inconsciemment blessé, souvent trop blessé pour pouvoir tenir le coup.

De plus, il est rare que l’homme parte, même s’il l’avait promis, lorsque la femme garde son enfant. Les proportions sont de loin bien inférieures à 70% ! Il  y a évidemment des hommes radicalement et pathologiquement égoïstes ou allergiques aux enfants ; il y a aussi des hommes qui n’aiment en leur compagne que le plaisir qu’elle leur donne et qui s’opposeront de toute leur énergie à la venue d’un enfant. Cela leur enlèverait l’exclusivité de leur relation avec leur compagne, et surtout leur demanderait la responsabilité d’une paternité qu’ils ne sont pas capable d’assumer. Pas de grands regrets, ceux-là auraient de toute façon quitté le navire un jour ou l’autre. Un amour sincère et véritable est le plus souvent cimenté par la venue, même surprise, d’un enfant, si les parents sont ouverts à la vie et conscients de sa valeur.

Enfin, il est faux de croire qu’une femme célibataire ne retrouvera jamais quelqu’un. Ce sera peut-être plus dur pour elle, mais les exemples ne manquent pas de femmes ayant trouvé l’homme de leur vie alors qu’elles avaient déjà eu un enfant.

19. L'INTERRUPTION MÉDICALE DE GROSSESSE, POUR LES CAS DE MALFORMATION GRAVE ?

Un bébé sans bras ni jambes, vous n’allez quand même pas le laisser vivre, lui et ses parents auront une vie épouvantable ! Parce que là, il y a traumatisme et pour les parents et pour l’enfant, sans compter qu’un handicapé demande beaucoup de soins, beaucoup de temps disponible, et beaucoup d’argent, ce qu’on n’a pas forcément.

L’interruption médicale de grossesse (IMG) anciennement appelé interruption thérapeutique de grossesse (ITG) est une disposition de la loi qui autorise, en cas de probabilité de problème grave de l’enfant, un avortement  à tout moment de la grossesse, c’est à dire jusqu’à neuf mois.

Le texte de la loi (article L162-12) dit : « il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic ».

En pratique, ce sont les cas (réels, ou simplement présumés) de trisomie, de malformations (un bras ou une jambe manquants par exemple, un problème de reins), ou de maladie génétique. Plus de la moitié des « becs de lièvre », malformation qui s’opère maintenant très bien, sont ainsi supprimés.

Ce sujet de l’IMG est extrêmement important, car il aborde le thème grave de l’eugénisme, et car il se place souvent sur le terrain des cas de conscience très difficiles à résoudre. Je crois qu’il faut l’aborder sous deux angles. Le premier, sur les principes, ou encore sur le domaine éthique. Ensuite, il nous faudra parler de ces fameux cas de conscience.

Sur le domaine éthique, qu’est ce qu’une IMG ? Nous avons déjà vu la question de la personnalité de l’embryon. Et constaté que cette question ne pouvait dépendre de caractéristiques scientifiques ou morphologiques. Cela signifie qu’une personne atteinte d’une maladie génétique (typiquement : la trisomie) ou d’une malformation reste fondamentalement une personne.

Attention : les maladies génétiques (gène porteur de maladie ou de dégénérescence, ou bien chromosome supplémentaire comme dans le cas de la trisomie 21) ne suppriment pas les caractéristiques chromosomiques humaines, c’est à dire que l’être ainsi formé comporte bien les signatures caractéristiques de l’espèce humaine. En vertu de ce constat scientifique, un enfant porteur d’un « problème » génétique ou d’une malformation reste une personne humaine. Même s’il est voué à être mentalement déficient. Ou « monstrueux ».

La question de l’IMG est donc d’ores et déjà réglée : il est injuste de supprimer une personne sous prétexte qu’elle est vouée à une déficience physique ou mentale.

Cette réponse peut ne pas te satisfaire, et je te comprends. Quid des parents qui devraient élever un enfant anormal, avec toutes les souffrances que cela peut engendrer ?

Avant d’aborder ce sujet il nous faut parler d’eugénisme. Qu’est-ce que l’eugénisme ? L’eugénisme consiste à éliminer, au sein d’une population humaine, les éléments qui seraient déclarés « inaptes » ou « déficients ». C’est une logique d’amélioration de l’espèce par l’élimination, non pas de ses « défauts », mais des individus comportant le défaut en question. Certaines idéologies extrémistes que je ne citerais pas avaient appelé à « l’amélioration de la race », ce qui a conduit aux horreurs que l’on connaît.

La logique de l’IMG est une logique purement eugénique. Ce n’est pas forcément de l’eugénisme « idéologique »,  au moins un eugénisme « pragmatique », c’est-à-dire conduit par l’intérêt de la collectivité à ne pas supporter des éléments « déficients », dont on sait qu’ils sont coûteux, qu’ils nécessitent des soins et une attention constants, et qu’ils sont source de souffrance pour les parents et l’entourage familial.

C’est vrai qu’il est idéal pour une société (et pour les personnes individuelles la constituant) de ne pas comporter en son sein des personnes déficientes ou mal-formées. Qui oserait affirmer qu’il désire un enfant handicapé ?

Deux attitudes sont possibles à partir de ce constat. L’une consiste à rechercher les possibilités de soigner et de guérir ces maladies. Les pistes sont nombreuses. Il peut s’agir de médicaments qui évitent le développement de telle maladie. Ou d’intervention chirurgicale directement sur le fœtus (par exemple la chirurgie intra-utérine, technique qui commence tout juste à se développer). Le plus souvent cependant, les pistes les plus prometteuses se trouvent dans la thérapie génique, c’est à dire une intervention sur le patrimoine génétique de l’embryon afin de modifier le gène problématique. Cependant nous ne sommes encore qu’aux balbutiements de ces techniques.

L’autre solution consiste à supprimer l’individu. Plus d’individu, plus de problème. C’est cette technique qui est couramment pratiquée en France. Et qui n’est autre que de l’eugénisme actif. Accepté et reconnu par la communauté scientifique et les médecins :

 » Notre métier, c’est la vie ; l’interrompre est douloureux, mais c’est aussi notre responsabilité de décider si l’intérêt probable d’un fœtus destiné à une vie impossible est de ne pas vivre. On appelle ça une interruption médicale de grossesse, mais c’est de l’euthanasie « . Dr jacques Milliez chef du service de Gynécologie Obstétrique de l’hôpital St Antoine à Paris, dans un article de Philippe Gavi dans « Le Nouvel Observateur hors série ›› n°37 «le bébé cet inconnu » – 7999

Dans la logique de l’avortement légalisé, il est certain que ce type de conception ne pose aucun problème. A partir du moment où nous raisonnons en termes d’utilité individuelle et collective, il paraît impensable de ne pas pouvoir interrompre une grossesse si l’enfant est déficient, et ce jusqu’à n’importe quel moment. En l’occurrence, une IMG peut se pratiquer jusqu’à la minute avant l’accouchement !

Mais pourquoi pas après la naissance ? Après tout, quelle est la différence entre interrompre une vie quelques minutes ou quelques heures avant l’accouchement ou l’interrompre après ? Comment dès lors considérer ceux qui sont passés à travers les mailles du filet ?

 » Si l’on ne laisse pas naître un enfant en raison de l’existence, voir de la présomption du handicap, l’enfant né avec la même différence pourra-t-il avec son handicap être considéré comme un enfant ? Ne risque-t-il pas de devenir une « erreur médicale » dans la mesure où il aura échappé à un dépistage possible, voire systématique ? Comment des personnes faisant l’objet d’une discrimination aussi cruciale à l’origine de leur vie échapperont-elles à une discrimination sociale accrue ?  » Association des Paralysés de France, cité par J.-Y. Naux, in Le Monde, 78 mai 1994, p. 12.

Ainsi, certains parents se retournent juridiquement contre leur médecin sous prétexte qu’il n’aurait pas vu ou décelé le handicap de leur enfant! Ce qui signifie : « si j’avais su, je ne l’aurais pas mis au monde ». Ou : « si mon enfant avait su, il  aurait choisi de ne pas vivre ». Mais ces mêmes parents défendent bec et ongles la vie de leur enfant né, et ne pourraient pas supporter l’idée de le supprimer maintenant qu’il fait partie de leur univers visible ! Quel illogisme ! Quelle dérision !

Bien souvent, le test de dépistage donne des « probabilités d’anomalie ». Probabilité qui peut parfois être inférieure à  5% dans le cas de certaines maladies génétiques. Ce qui signifie que, dans ce cas là, l’enfant a 95 % de chances d’être sains. Eh oui, les IMG concernent souvent des enfants sains ce qui, pour moi, ne change rien au problème, mais ce en revanche devrait théoriquement poser  des questions  éthiques au corps médical et à la forme de pensée actuellement répandue.

 « Chaque anomalie fœtale repérée recouvre une gamme de handicaps éventuels qui échappent souvent à toute prévision formelle et obligent à décider, presque à l’aveugle parfois, sur une présomption ou un calcul de risques. Même à l’autopsie du fœtus, souvent on ne saura pas si l’on a eu raison ou tort ». Dr Jacques Milliez chef du service de Gynécologie Obstétrique de l’hôpital St Antoine à Paris, dans un article de Philippe Gavi dans « Le Nouvel Observateur hors série » n°37 « le bébé cet inconnu » -7999

Abordons maintenant le problème de l’enfant lui-même. La justification de l’IMG trouve souvent sa source dans  la croyance que l’enfant sera voué à une vie impossible. Dès  lors il vaut mieux « pour lui » qu’il ne voie pas le jour.

Vivre avec un handicap est souvent très difficile pour un enfant. Que ce soit un handicap physique ou mental. Cependant, les cas ne manquent pas de personnes handicapées qui vivent et assument très bien leur handicap. Il n’y a qu’à rendre visite aux associations comme APF (Association des Paralysés de France) pour voir des témoignages bouleversants que tel enfant ne pourra pas surmonter son handicap, n’est-ce pas encore une fois le déconsidérer entièrement ? Dans ce cas, pourquoi ne pas tuer tous les accidentés de la route qui deviennent paralysés ou qui perdent un membre ? Tout cela parce que l’on jugerait qu’ils ne sont pas capables de vivre heureux ? Car il est peut-être plus facile de naître avec un handicap que de devenir après-coup handicapé. Un aveugle de naissance s’adapte bien plus facilement à son environnement qu’un aveugle dont la cécité est survenue tardivement.

Dire que l’enfant handicapé sera voué à une vie impossible est, on le voit hypocrite. Dire que sa vie sera aussi facile que la vie d’un enfant sans problème serait utopique et stupide. Mais en déduire que, sous prétexte qu’il devra affronter une réalité dure, voire extrêmement dure, il n’a pas le droit de vivre, c’est outrepasser nos droits sur lui. Même dans le cas d’un retard mental important, voire d’une débilité profonde, l’enfant peut être heureux. Les parents de trisomiques ou des débiles profonds ne me contrediront pas.

En réalité, cet argument procède d’une transposition des peurs et des contraintes des adultes face à cet enfant. Plus clairement, dire « cet enfant est voué à une vie impossible » est la matérialisation d’un raisonnement du type : « cet enfant va me rendre la vie impossible », et « cet enfant n’est pas comme je voudrais qu’il soit ».

Je crois qu’il est extrêmement important de comprendre cela. La compassion envers l’enfant qui aboutit à la décision de le supprimer n’est pas, et ne peut être considérée comme une vraie compassion. Elle n’est qu’un alibi. Elle est l’alibi de notre impossibilité à admettre premièrement que l’enfant n’est pas conforme à l’idée que nous nous en faisons, et deuxièmement, que notre vie va en être bouleversée.

Développons encore une fois ces deux thèmes. La logique eugénique dans laquelle nous nous trouvons conduit les hommes et les femmes, toi et moi, à ne pas accepter la différence et la non-conformité. Dès lors que nous avons des moyens légaux de supprimer la différence à travers l’IMG, nous ne pouvons accepter l’idée que puisse naître une personne déficiente. Ainsi naît l’enfant objet, l’enfant parfait, l’enfant tant attendu dont le lit, les jeux et les peluches et, je dirais même, les études sont déjà prêts six mois avant sa naissance.

Bien entendu, toute grossesse comporte des attentes, des transpositions des rêves et des aspirations des parents, et il est impossible de ne pas désirer un enfant « parfait ». Mais, de ce désir et de ces attentes légitimes, nous avons oublié qu’un enfant ne peut être parfait, et que ce n’est pas un simple produit qu’on fabrique, mais une personne qui se donne : il est LUI, avant tout. Il ne saurait être fabriqué « sur mesure ». Ainsi, de récents sondages montrent qu’aux États-Unis, plus de la moitié des couples est favorable à une sélection génétique de ses embryons afin de ne conserver que les meilleurs ou ceux qui comportent les caractéristiques appropriées (couleur des yeux ou des cheveux, taille, etc.) ! Qu’est devenu l’enfant, sinon un objet pur et simple ? Quelle sera sa place dans sa famille ? Comment réagira-t-il lorsqu’on lui dira: « tu as été choisi parce que tu es une fille, blonde, et
aux yeux bleus » ? Comment les parents ne continueraient-ils pas à être « en attente »  de cet enfant parfait ?

Avoir un enfant handicapé bouleverse une vie. Un enfant mal-formé, déficient, est source de souffrance pour les parents. Qui osera affirmer le contraire ? Il est vrai que la souffrance est devenue intolérable dans nos sociétés développées. A l’heure où les progrès médicaux permettent presque tout, nous ne pouvons plus supporter l’idée de la souffrance. Voilà pourquoi, pour éviter à tout prix une souffrance qui nous est de surcroît imposée, nous sommes prêts à dire « il vaut mieux pour lui qu’il ne voie pas le jour ». Mais en réalité, il vaut mieux pour nous ! Les études faites dans ce domaine16 montrent que c`est toujours la détresse des parents, incapables de faire face à cet imprévu, qui est la source ultime de l’IMG.

Je crois qu’il s’agit d’éduquer les consciences afin que tout le monde comprenne qu’un enfant n’est jamais parfait, jamais conforme entièrement aux attentes des parents. Il s’agit de faire le deuil de l’enfant parfait, comme nous devons faire le deuil de notre perfection, et comme nous devons un jour faire le deuil de nos parents ou conjoint décédés.

Et la déficience physique ou mentale, la dégénérescence précoce, ou que sais-je encore, ne peuvent présider à la suppression de l’enfant. Dès lors, affronter la réalité, sans la masquer, est la meilleure chance pour les parents de vivre heureux et de surmonter leur déception et leur souffrance. Les exemples ne manquent pas. L’attachement des parents envers un enfant handicapé est généralement particulièrement fort et puissant.

Il est vrai que concrètement, beaucoup de parents ne peuvent pas, même avec la meilleure volonté du monde, accepter le handicap d’un enfant. Il faut savoir qu’il y a des couples admirables qui adoptent des enfants handicapés, il existe des foyers qui les recueillent, les aiment, leur donnent une existence digne et heureuse. Il existe enfin des associations chargées d’aider matériellement et surtout psychologiquement les parents d’enfants handicapés.

Je finirai en répondant à une objection : si l’enfant est condamné (atteint, par exemple, d’une maladie grave), dans les quelques années ou même mois qui suivent sa naissance, ne vaut-il pas mieux avorter ? Là encore, ce n’est pas parce qu’il va mourir tôt (nous mourrons nous aussi tous un jour) qu’on va abréger sa vie. Sa vie sera courte, certes, mais être très heureuse et il a encore droit à la vie.

Redonnons un sens au mot « médecine ». L’objet de la médecine n’est pas de procurer l’éternité, mais de prolonger et d’améliorer la vie. Si on avait tué tous les gens condamnés depuis le début de l’humanité, nous ne serions pas en aussi bonne santé : c’est en soignant qu’on apprend à guérir.

L’IMG conduit à l’enfant objet et à l’eugénisme actif, qui n’est pas et ne pourra jamais être un progrès de la médecine. Nous dédouaner de notre propre souffrance en lui supprimant le droit de naître est une solution qui, si elle peut se comprendre, ne peut être légitimée et acceptée comme bonne.

Il y a un cas cependant qui justifie de supprimer le fœtus : lorsque la grossesse condamne l’enfant de manière certaine et la vie de la femme de manière certaine, il est légitime de sauver la mère. Exemple, certaines grossesses extra-utérines : l’enfant se développe hors de l’utérus, il est donc non seulement impossible qu’il arrive à se développer jusqu’à ce qu’il soit viable, mais son développement va faire éclater la trompe, provoquer une hémorragie interne, et faire mourir la mère. Autre exemple, une mère atteinte d’un cancer : le traitement tue l’enfant, mais si on ne traite pas la mère, elle mourra et son enfant aussi. On appelle cela la cause seconde (à ne pas confondre avec le moindre mal) : la question n’est pas de tuer l’enfant, mais de sauver la mère; on n’y arrive qu’au prix de la vie de l’enfant, qui de toute façon mourrait de la mort de sa mère. Précisons que ce type d’intervention ne s’appelle ni IVG ni IMG, ne fait pas partie de la loi sur l’avortement car n’est pas considéré comme un avortement.

 » Le rapporteur auprès de la Cour, Pierre Sargos, me paraît avoir fait preuve de légèreté en affirmant que l’eugénisme « implique une dimension collective… nécessairement criminelle ». L’eugénisme, c’est à dire l’amélioration du patrimoine génétique des populations, fondé au XIX » siècle par sir Francis Galton, cousin de Darwin, a été longtemps considéré comme une doctrine progressiste, à laquelle ont adhéré un H.G. Wells ou un G.B. Shaw. Ce n’est qu’à partir de son utilisation par le nazisme, notamment sous la forme de l’élimination des handicapés, qu’on l’a assimilé à une doctrine criminelle. Au début du siècle, l’avortement était généralement réprouvé et l’eugénisme applaudi. Aujourd’hui c’est l’inverse.  » Jacques Julliard, in La chronique de Jacques Julliard « La vie en procès ››, Le Nouvel Observateur n° 1881 du 23 au 29 novembre 2000, page 77.

20. QUAND LA MÈRE EST DANS L’INCAPACITÉ PSYCHOLOGIQUE D'ÉLEVER SON ENFANT ?

Si elle est alcoolique ou toxicomane, ou bien encore handicapée mentale, elle ne pourra jamais donner le minimum d’éducation à son enfant, qui a toutes les chances de devenir lui-même alcoolique, toxicomane, ou déficient… En quelque sorte, on condamne à mort l’enfant qui va naître, mais cette fois-ci dans d’abominables souffrances.

On ne le condamne pas forcément à mort, cet enfant, tout dépend de ce qu’on fait pour lui et pour sa mère. Il est vrai que l’enfant d’une alcoolique ou d’une toxicomane naît dépendant de la drogue que prenait sa mère. Il est possible cependant de le guérir, par des cures de désintoxication pour nourrissons. Si la mère est incapable de l’élever, il existe des dispositions, légales et humaines, comme les foyers d’accueil ou même l’adoption. Sa vie n’est pas fichue pour autant, et cet enfant est capable de recevoir l’amour dont il a besoin pour s’épanouir. Il suffit que nous en prenions les moyens.

Le monde entier s’émeut lorsqu’on apprend que plusieurs dizaines de milliers de femmes considérées comme inaptes à la procréation ont été stérilisées contre leur gré en Finlande ou en France pendant la seconde moitié de ce siècle. A l’annonce de cette nouvelle (en septembre 1997), des milliers de personnalités ont dénoncé l’eugénisme et le totalitarisme. N’est-ce pas tout aussi eugénique et totalitaire de décider que certaines femmes doivent avorter en raison de leurs troubles psychologiques ?

21. VOUS NE VOULEZ QUAND MÊME PAS OBLIGER UNE FILLE VIOLÉE A GARDER LE BÉBÉ ?

Alors là, s’il y a un cas où l’avortement doit être autorisé, c’est bien celui-là ! Cet enfant, la mère non seulement ne l’a jamais voulu, mais on le lui a fait contre son gré, dans d’abominables souffrances ! Comment pourrait-elle porter pendant 9 mois celui qui est le fruit d’un crime, qui ressemblera physiquement au violeur, et qui va lui faire penser tous les jours à son viol ? Vous ne croyez pas que la mère a assez souffert comme ça ?

Voilà l’objection la plus fréquemment avancée pour justifier l’avortement. Elle a servi d’ailleurs à faire passer partout la loi, en focalisant l’opinion populaire sur un cas, qui reste pourtant un cas d’exception. Beaucoup de personnes sont farouchement opposées à l’avortement, mais l’acceptent dans ce cas extrême ce que l’on peut comprendre évidemment.

Le traumatisme du viol est réellement terrible, abominable. Quelle souffrance aussi de s’apercevoir qu’on porte en soi un enfant issu de ce viol ! On comprend parfaitement le désir qu’a la femme de subir une IVG, qui l’empêcherait de penser pendant 9 mois à ce crime qu’elle a subi.

Tout d’abord, il faut rappeler que la loi Veil n’autorisait justement l’avortement que pour remédier à des « situations de détresse » dont le viol fait indubitablement partie. Si le contexte de détresse était clairement défini (or le sentiment de détresse est un sentiment plus ou moins passagé qui accompagne bon nombre de grossesses) on pourrait se poser la question de permettre que ces avortements soit pratiqués dans des conditions sanitaires correctes sans pour autant que l’acte soit banalisé, ou pire, érigé désormais comme un droit ce qui n’était pas l’intention de Simone Veil.
En second lieu, nous devons considérer que l’avortement comme le viol sont, tous les deux, des violences qu’il faut combattre. Il est donc impératif de chercher à réduire en premier le nombre des viols en France avant de présenter l’avortement comme un remède unilatéral à ce drame.
Par la suite, on peut au moins se demander si rajouter de la violence à la violence est une solution durable car on procède en quelque sorte à un cumul des peines.
Le viol est un acte d’injustice et de haine insupportable mais ne pourrait on pas imaginer, ne serait ce qu’un instant, qu’à un acte de haine, il soit possible de répondre par l’amour. Ne serait ce pas une manière de remporter une victoire sur la violence ?
L’enfant, qui ne peut être tenu responsable, ne pourrait il pas réparer par sa tendresse et son innocence le crime de son père ?
On peut croire que par l’avortement, on peut comme exorciser son viol mais est ce que ce raisonnement est juste ? Au delà du soulagement provisoire apporté par l’IVG, on peut se demander si la situation ne sera pas pire qu’avant pour la mère qui risque de devoir gérer deux traumatismes.
Nous devrions pouvoir proposer aux femmes qui le souhaitent un accompagnement, pendant les 9 mois de grossesse et au-delà, de manière à leur permettre de guérir progressivement et accepter le bébé.
S’il est trop dur pour elle de garder ce bébé, l’adoption est une solution à laquelle on refuse de penser, mais c’est un acte très beau. A l’heure actuelle, des milliers de couples stériles ne peuvent pas adopter parce qu’il n’y a plus personne à adopter…

Le viol est un cas d’exception, et une loi ne se fonde JAMAIS sur des cas d’exception. Justifier la loi sur l’IVG uniquement à cause des cas de viol serait absurde, au regard des fondements élémentaires du droit. Il faut donc arrêter d’avancer systématiquement le cas du viol pour justifier l’avortement de masse qui se passe aujourd’hui en France. Pourquoi chaque fois que l’on essaie de débattre d’IVG parle-t-on de viol, d’enfant anormal, de cas désespérés, etc. ?

22. VOUS PRÉFÉREZ QU'UNE FEMME ABANDONNE SON ENFANT PLUTÔT QU'ELLE AVORTE ?

Alors ça, c’est profondément injuste, on va priver le pauvre gosse de ses vrais parents, on va faire subir à la mère le traumatisme de porter le bébé pendant 9 mois, plus celui de devoir l’abandonner à la naissance. C’est facile de proposer cette solution, mais vous devriez aller voir de plus près la réalité…

C’est à mon grand étonnement une objection très courante. Donner son enfant à adopter serait pire que de ne pas lui permettre de voir le jour.

Tout d’abord, entendons-nous sur la forme : « abandonner » son enfant est un terme culpabilisant et rétrograde, qui doit être avantageusement remplacé par « confier son enfant à l’adoption ».

Et sur le fond : bien sûr qu’il est préférable de confier son enfant à l’adoption, plutôt que de lui supprimer le droit vivre !

Confier son enfant est un acte extrêmement dur, qui a des répercussions sur la femme qui le fait pour toute la vie entière. Des psychologues se sont spécialisés dans l’accompagnement de ces femmes ainsi que des enfants adoptés, et ont constaté des blessures extrêmement profondes, aussi bien chez les femmes que chez les enfants.

La femme qui confie son enfant à l’adoption est toujours dans une situation de détresse, déchirée entre l’amour qu’elle porte à son enfant17 et l’impossibilité matérielle de l’élever.

Avant toute analyse, il faut dire et affirmer qu’il faut que ce genre de situation de détresse disparaisse, par la mise en place d’aides aux femmes désirant élever leur enfant.

Mais allons plus loin. Les témoignages de femmes ayant confié leur enfant sont très éloquents. Jamais une femme ayant confié son enfant n’a pu dire : « il aurait mieux valu pour moi subir une IVG ». Toutes ont, au-delà de leurs blessures, parmi lesquelles celle de n’avoir pas pu assumer leur éducation, le réconfort de savoir que leur enfant a eu sa chance auprès d’une autre famille. De savoir qu’il est vivant et qu’il vit son aventure. Car n’est-ce pas beau de se dire, comme je l’ai entendu récemment de la part d’une femme au cours d’une émission télévisée, « mon enfant a eu sa chance, et je suis allée jusqu’au bout de ce que j’ai pu donner en tant que mère ».

 Car la détresse de ces femmes n’est pas tant d’avoir confié leur enfant, c’est surtout (et, je dirais même, uniquement) de n’avoir pas pu trouver les moyens matériels et, éventuellement, les supports humains, pour l’éduquer. Confier son enfant à l’adoption n’est que la conséquence implacable d’une impasse terrible. Et si la culpabilité de ces femmes est souvent énorme (« j’aurais peut-être pu faire quelque chose de plus pour le garder ! »), il n’existe pas, chez elles, la culpabilité de lui avoir refusé la vie18.

Enfin, il y a chaque année en France 14 000 couples qui cherchent à adopter un ou des enfants, et comme il n’y a presque plus d’enfant à adopter en France, ils se tournent vers d’autres pays. Il y a vraiment de la place pour l’adoption en France.

En conclusion, il s’agit de retenir les deux choses suivantes:

  1. Proposer l’alternative : l’abandon et l’avortement sont des fausses solutions car (presque) toute femme qui enfante désire ardemment élever son enfant. La troisième voie consiste à lui proposer des aides pour l’élever.
  2. S’il n’existe pas – pour une raison ou pour une autre – pour une femme une solution pour élever son enfant, le confier à l’adoption sera une solution moins terrible que l’avortement, car elle aura toujours le réconfort de lui avoir offert un destin et une vie acceptables. De surcroît cette femme ne souffrira jamais du syndrome post-avortement, qui est souvent bien pire (car en partie non conscient) que les blessures qu’elle pourra vivre par ailleurs.

23. AVANT DE LUTTER CONTRE L'AVORTEMENT, GÉRONS LES AUTRES MAUX DE LA SOCIÉTÉ

Parce que là, vous parlez de personnes qu’on ne voit pas, qui ne souffrent pas, sans compter que l’avortement est un problème extrêmement complexe qui ne se résout pas comme ça, en 5 minutes. Tandis que les pauvres, on les voit tous les jours, ils souffrent devant nous, et personne ne lève petit doigt. On pourrait dresser toute une liste des autres problèmes de notre société, et lorsqu’on les aura tous résolus, alors là, je suis d’accord pour qu’on s’occupe des enfants non nés.

Tu n’as pas complètement tort ! Les maux dont souffre notre société sont nombreux. Et il paraît bien plus logique de s’occuper de la misère que l’on voit que de celle que l’on ne voit pas. L’enfant non né ne crie pas, ne revendique rien, il est invisible, et par conséquent il est très difficile de faire vraiment attention à lui. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles l’avortement a pu être légalisé aussi facilement: les embryons ne risquaient pas de descendre dans la rue pour manifester !

Pourtant, il est une réalité incontestable, qui est que dès lors qu’on nie à une catégorie d’hommes le droit à la vie, qu’on bafoue ce droit le plus élémentaire, tout le reste craque et s’effrite. Lorsque les murs d’une maison se fendent, le toit s’effondre généralement aussi. Il est idiot de vouloir commencer par réparer le toit sans s’occuper des murs et des fondations.

Si on veut lutter contre l’exclusion, contre le racisme, contre la pauvreté, pour la paix, oui, cent fois, mille fois oui !

Mais occupons-nous de faire reconnaître la dignité de tout homme, c’est-à-dire à la vie pour tous, le reste ira alors beaucoup mieux, et il sera possible de s’en occuper efficacement.

En d’autres termes, en luttant seulement contre l’exclusion et la pauvreté, tu remplis un tonneau percé. Le fond du problème n’est pas résolu, à savoir que l’être humain n’est pas une chose ou un objet, mais qu’il a une dignité intrinsèque depuis le début de sa vie jusqu’à sa mort. Sa dignité est même plus importante s’il est pauvre, malade, rejeté de tous, embryon, non désiré, etc.

Je t’assure que tant que le droit à la vie sera comme il l’est actuellement, tu auras beau dépenser toute l’énergie pour combattre ces autres maux, tu n’y arriveras jamais !

 » Si nous acceptons qu’une mère puisse tuer son propre enfant, comment pouvons-nous demander aux gens de ne pas se tuer entre eux ? Le premier destructeur de la paix dans le monde est l’avortement. « Mère Teresa, prix Nobel de la Paix

Et puis, soyons sérieux : il ne se passe pas un jour qui ne me rappelle pas ce drame, du côté des femmes, comme du côté de cette jeunesse sacrifiée qui hurle sa détresse et son mal-être. Nous sommes tous éclaboussés en permanence des conséquences de l’avortement, et qui s’est penché sérieusement sur la question ne peut que le voir et le constater.

24. L'AVORTEMENT N'EST-IL PAS UNE SOLUTION AU PROBLÈME DE LA SURPOPULATION ?

Je ne suis pas spécialement pour l’avortement, mais quand on voit les problèmes de surpopulation, on se dit que c’est peut-être la seule solution pour la sauvegarde de l’espèce humaine. Les pays d’Afrique, où les femmes ont 8 à 10 enfants qui meurent tous de faim dans d’horribles souffrances, moi, ça me choque profondément. Et puis, si la population mondiale continue de croître, toute l’humanité va mourir !

Nous ne sommes pas trop nombreux sur terre! On nous abreuve de cette vision malthusienne19 de la surpopulation. Il y a assez de ressources naturelles sur terre pour nourrir encore 10 fois la population mondiale20.

Les femmes africaines ont 10 enfants chacune ? C’est que leur pauvreté est telle que leurs enfants sont une assurance retraite pour elles. Il en meurt beaucoup, et, elles le savent seuls les enfants les plus résistants arrivent à survivre dans ce monde sans pitié. La Chine a organisé des campagnes d’avortement forcé, avec la politique bien connue de l’enfant unique. Elle n’a pas réglé le problème de la pauvreté pour autant !21 N’ajoutons pas les désastres de l’avortement à ceux de la pauvreté !

Car la réponse au problème de la surpopulation est plus simple qu’on ne le croit. On s’aperçoit historiquement que tous les pays occidentaux ont limité progressivement leurs naissances au fur et à mesure de l’augmentation de leur niveau de vie, de leur accès au système éducatif, et de l’amélioration de leurs conditions sanitaires (en particulier l’allongement de la durée de vie). Si l’on veut stopper l’explosion démographique que certains craignent22, il suffit de donner un niveau de vie normal ainsi qu’un système d’éducation équitable, à tous les habitants de la planète. Cela comporte une relative inertie, c’est à dire que ça prend plusieurs générations, mais vouloir forcer les choses par d’autres tentatives (stérilisation, avortement, contraception forcée, etc.) est voué à l’échec.

Les promoteurs de l’avortement organisent, à travers les organisations internationales, des campagnes de libéralisation de l’avortement dans les pays pauvres, comme elles l’ont déjà fait dans nos pays industrialisés. Leur objectif est purement eugénique et idéologique, comme en témoignent ces déclarations de la fondatrice du Planning Familial, adepte d’une dépénalisation totale de l’avortement :

 » Le problème du contrôle des naissances se résume à favoriser les naissances chez les personnes aptes et à en diminuer le nombre chez les inaptes « . Margaret Sanger, fondatrice du Planning Familial, 1919

 » L’acte le plus charitable qu’une famille nombreuse puisse faire pour l’un de ses enfants en bas-âge, c’est de le tuer « . Margaret Sanger, 1920

 » Aucune femme et aucun homme n’auront le droit de devenir parents sans un permis de parenté « . Margaret Sanger, 1922

 

25. VOUS N'ÊTES QUAND MÊME PAS CONTRE LA CONTRACEPTION ?

Je vous vois venir : la pilule, le stérilet, le préservatif, c’est aussi un crime, on empêche des enfants de naître, c’est immoral, etc. Tous ceux qui se disent contre l’avortement tiennent le même discours sur la contraception !

La contraception, c’est empêcher une fécondation possible, et non pas tuer un embryon. Cela ne se situe pas du tout sur le même plan. Un spermatozoïde n’est pas un être humain, il ne possède aucune des deux caractéristiques citées à la question 1, et il en est de même pour l’ovule. Par conséquent, empêcher une fécondation de se produire ne signifie absolument pas supprimer le fruit de cette fécondation.

La contraception est une question de morale sexuelle, ce que n’est pas l’avortement, qui relève d’une question que je qualifie d’humanitaire, d’éthique. La contraception ne fait pas intervenir un tiers (un bébé) mais concerne seulement les auteurs du choix, c’est-à-dire le couple.

Cela dit, il ne faudrait pas prendre la contraception à la légère. En effet, le danger est grand, lorsqu’on banalise le geste contraceptif, de se sentir déresponsabilisé vis-à-vis de la valeur de la vie, et d’en arriver à envisager l’avortement comme un moyen extrême de contraception. Lorsqu’une femme qui pratique la contraception oublie de prendre sa pilule, un soir, et le préservatif n’étant pas fiable à 100%, le risque de fécondation existe toujours. Lorsqu’une grossesse accidentelle survient, elle est en général non désirée, personne ne s’y attend, mais ce n’est pas une raison pour passer à l’avortement.

Mais la question ici n’est pas celle de la valeur de contraception. Que celle-ci ne fasse pas, en tous cas oublier la valeur de la vie ; qu’elle ne contribue pas à « choisifier » l’embryon. Le slogan « un enfant si je veux quand je veux » ne doit pas être compris comme « mon enfant est ma chose ». Car les démographes de l’INE (Institut National des Études Démographiques), favorables à l’IVG, ont remarqué une corrélation entre avortement et contraception. L’utilisation des moyens contraceptifs doit donc comporter le souci constant de la valeur de la vie, sans qu’elle mène au phénomène de l’enfant-objet, qui conduit à l’avortement.

 » Dans une société malthusienne qui exerce une pression sociale très forte à ne pas concevoir, une grossesse refusée n’est pas nécessairement le fruit d’une conception involontaire. Certaines personnes résistent à cette pression avant d’y céder au cours de la grossesse. Il faut aussi ajouter que dans une société qui apprend à maîtriser le mieux possible les naissances non programmées, l’avortement apparaît une solution en cas de fécondation imprévue. Inciter les couples à une maîtrise toujours plus grande de leur reproduction a évidemment pour effet de les déterminer à ne pas accepter les échecs.  » Chantal Blayo, dans une étude de l’lNED, 8 juin 1997.

 » Nos enquêtes le disent: le nombre de naissances non désirées par les femmes diminue de façon spectaculaire avec les années. On refuse ce qui n’est pas maîtrisé, programmé. D’où le recours constant à l’IVG. (…) L’enfant de trop est devenu inacceptable. Autrefois, on avait des idées moins arrêtées sur la taille de la famille idéale. Aujourd’hui, on n’admet plus de variation par rapport à l’objectif fixé. Ni en nombre ni en date. Il ne faut pas que l’enfant vienne trop vite, ni trop tard, ni au mauvais moment. Voilà le paradoxe frustrant: plus la pratique contraceptive se resserre, plus le recours à l’IVG reste une solution nécessaire.  » Henri Léridon, Directeur de recherche à I’INED, interviewé par l’Express – 77 février 7994.

Il ne faut pas aussi confondre contraceptif avec abortif. Ainsi, le stérilet (petit fil de cuivre installé dans l’utérus) est un moyen abortif, qui empêche l’œuf déjà fécondé, de se fixer à la paroi utérine, par atrophie de l’endomètre (le tissu utérin sur lequel l’embryon se fixe). L’embryon, qui n’a que quelques jours, meurt sans que personne ne le sache, et c’est bien un avortement qui se passe en silence. Chaque année, en France, plusieurs millions d’êtres humains sont ainsi privés du droit à la vie, sans que personne ne s’en émeuve.

En général, les femmes utilisant un stérilet ne savent pas que c’est un moyen abortif, et qu’en portant ce stérilet, elles suppriment une vie humaine, unique, qui n’avait jamais existé et qui n’existera plus jamais.

Certains moyens considérés comme contraceptifs sont eux aussi abortifs. C’est ce qu’on appelle « l’avortement camouflé ».

Ainsi en est-il de la « pilule du lendemain ». Cette pilule, qui se prend le lendemain d’un rapport non protégé, est destinée à empêcher l’œuf fécondé (si œuf il y a) de s’implanter dans l’utérus.

Un rapport ne mène pas toujours à une fécondation. La fécondabilité d’une femme au cours d’un cycle est en moyenne de 14%. Ce taux représente la probabilité pour une femme (féconde) ayant une activité sexuelle régulière non protégée de devenir enceinte au cours d’un cycle de 28 jours. En une année, ce taux monte à 85% environ. Ne croyons donc pas qu’un rapport sexuel non protégé mène à une fécondation nécessairement. Le problème, c’est qu’il est impossible de savoir à l’avance si le rapport sexuel non protégé sera fécond ou non.

A l’heure où la pilule du lendemain peut être délivrée dans les lycées, il faut être conscient que cette pilule signifie la destruction d’un embryon si embryon il y a. Cette pilule n’est pas une pilule contraceptive, comme malheureusement tous les médias et les médecins la présentent. L’acte en lui-même de la prise de cette pilule représente l’acceptation de détruire un embryon de quelques heures ou quelques jours.  Même si la personne qui la prend ne pourra jamais savoir si elle a supprimé une grossesse ou non, sa décision de la prendre s’assimile à la volonté d’avorter. Et il est tout aussi éthiquement inacceptable de supprimer un embryon de quelques heures que de supprimer un fœtus de 10 semaines ou même de 9 mois. Ce n’est pas parce qu’on ne voit pas un acte que celui-ci n’existe pas ou est « moins mauvais ».

Il est cependant facile et séduisant de vouloir prendre la pilule du lendemain après un rapport non protégé. En particulier, comme on ne saura jamais si on a supprimé ou non une grossesse commencée, l’affaire sera oubliée rapidement et traitée à la légère. Ne pas prendre cette pilule suppose déjà une force de conviction et une honnêteté éthique rare.

26. EN LUTTANT CONTRE L'AVORTEMENT VOUS FAITES UN RETOUR A L'ORDRE MORAL !

Vous voulez un retour au stéréotype de la femme qui ne sert qu’à faire les enfants, qui reste au foyer, qui n’a qu’un droit, c’est celui de se taire. Vous aimez bien les valeurs morales, avouez-le…. On le connaît, ce discours !

On accuse effectivement les anti-IVG de retour à l’ordre moral, en faisant des amalgames indignes, et parce que ça arrange tout le monde. Il faut dire que les défenseurs de vie se sont parfois donné des allures de chevaliers rétrogrades et extrémistes. Mais sortons des clichés : je le répète, être contre l’avortement n’est pas et ne doit pas être de l’idéologie. C’est un combat humanitaire,  un point c’est tout. Supprimer l’avortement ne signifie pas instaurer l’inquisition, cela signifie uniquement empêcher un drame. Pour le reste, tant que des vies humaines ne sont pas mises en danger, chacun fait ce qu’il entend de sa vie.

Je vais même plus loin : l’avortement légalisé, c’est un retour en arrière sans précédent dans l’histoire des droits des femmes. On nous a rabâché depuis des années que l’avortement légalisé était un progrès, une libération : enfin, la femme est maîtresse de son corps, etc… Tout cela est faux, il n’y a qu’à voir la réalité autour de soi : la dignité des femmes est blessée, bafouée. Un homme peut se permettre n’importe quoi avec une femme, il sait qu’en dernier recours, il y a l’avortement. Un employeur peut se permettre d’interdire à son personnel féminin d’avoir des enfants : combien de femmes sont allées se faire avorter pour ne pas perdre un emploi ! Chaque année, 225 000 femmes subissent le traumatisme de l’avortement: personne ou presque ne s’en soucie, elles ne sont même pas suivies après leur avortement, et moins d’une semaine après, elles doivent recommencer à travailler comme si rien ne s’était passé ! L’État a démissionné de son rôle d’aide aux mères, aux femmes en détresse. Et on oublie aussi l’immense génération des jeunes nés après 1975, qui ont échappé à une mortelle loterie qui élimine implacablement un enfant sur quatre ! Cette génération de jeunes « survivants » forte de plus de 15 millions de personnes en France, dont on s’interroge sur le mal-être ? Il y a en France plus de 5 millions de femmes ayant subi le drame de l’IVG et plus de 15 millions de jeunes « survivants ». Et on voudrait faire croire que c’est un progrès ? On voudrait faire croire que ceux qui luttent pour la vie sont des croisés de l’ordre moral, qu’ils veulent un retour en arrière ? C’est qu’on n’accepte pas le débat qui pourrait ouvrir de « dangereuses » brèches dans l’esprit des femmes. Quelle hypocrisie…

Certains me diront: et le droit de choisir, le droit à la maternité ? La modernité de la femme ?

Je suis tout à fait d’accord pour ces droits, mais il faut savoir ce qu’on y met derrière. Qu’une femme choisisse ou non la maternité, d’accord ; qu’elle supprime ou qu’on supprime son enfant, je ne suis plus d’accord. Qu’elle prenne la pilule si elle y tient, qu’elle assume sa féminité, et que les hommes assument et respectent eux aussi la féminité de la femme. Et tout cela à condition qu’on laisse aux femmes un véritable libre choix : il est évident que si une femme n’a pas la possibilité de choisir entre maternité et travail, l’orienter vers la maternité, c’est l’obliger à rester au foyer. Il est temps de développer une véritable législation pour protéger et aider les femmes qui souhaitent avoir des enfants et travailler. Et là, ce sera un vrai bond en avant, et un progrès fantastique.

Enfin, on entend souvent l’argument suivant : « vous êtes donc contre le plaisir, et les relations sexuelles ne doivent être vécues que dans une relation de procréation ».

Pas du tout ! Les relations sexuelles sont source de plaisir et ce plaisir a été malheureusement occulté par des pensées d’origine janséniste23. Il n’est pas question de revenir sur l’importance du plaisir sexuel, mais il est nécessaire de savoir et d’intégrer qu’une relation (hétérosexuelle) peut parfois donner lieu à une conception. Ces deux visions ne sont pas du tout incompatibles, et il est temps de ne plus faire l’amalgame entre ces rétrogrades qui (ils ne sont plus beaucoup !) affirment que le plaisir est « mauvais », et les personnes qui refusent, pour des questions éthiques, l’avortement.

 » Il n’est pas facile de s’expliquer, quand on résiste à ce qui est présenté comme tolérant et moderne, et qu’on ne sent pour autant ni rétrograde ni puritain. Il n’est pas gratifiant d’adopter un point de vue passible des pires imputations. Or comment argumenter contre la pensée officielle sans s’exposer à la caricature et au contresens ? Et que répondre à cette pensée officielle quand elle feint de confondre examen critique et pirateries de salles d’opération ?
On doit donc se cuirasser d’indifférence pour assumer sa différence à propos de l’IVG. Même prise au nom même des droits de la femme, toute position distanciée soulèvera l’indignation des partisans de l’avortement libre et les quolibets des brasseurs d’air du temps. Opinion mal portée dans le contexte culturel contemporain, elle s’attirera des qualifications infamantes : obscurantisme, sexisme, ordre moral. « 
Élisabeth C. Sledziewski, maîtresse de conférences de science politique à la faculté de droit et de science politique de Rennes, in Le Monde du 6/ 10/2000: «IVG : un dossier éthique à rouvrir»

27. POURQUOI ME BATTRE CONTRE L'AVORTEMENT ? JE NE ME SENS PAS CONCERNÉ(E) !

D’accord, je n’encouragerai jamais l’avortement, d’ailleurs je ne l’ai jamais fait. Mais je ne vois pas pourquoi je devrais me mobiliser contre l’IVG, sachant que ça ne me touchera jamais ?

Beaucoup de personnes croient que l’avortement ne les touchera jamais. C’est faux ! L’avortement touche toutes les catégories de la population, et même celles qui se croient les plus protégées. Combien de filles, voulant préserver une réputation d’honorabilité, n’osant affronter l’incompréhension et les accusations de leur famille, sont allées avorter en cachette, sans que personne ne le sache ! Une femme sur deux avorte en France24, sans compter les millions d’avortements provoqués par les moyens abortifs dits « contraceptifs ». C’est dire que tout le monde est concerné par l’avortement ! Ne disons pas: « fontaine je ne boirai pas de ton eau… ».

De plus, comme je l’ai dit, l’avortement est lié à l’exclusion et au mal-être de notre société. Les jeunes voient leur avenir avec pessimisme ;  le taux de chômage des jeunes est élevé ; les gens ne sont plus capables de se mobiliser pour de grandes causes ; l’exclusion ne cesse d’augmenter ; les sondages montrent que les fossés entre générations continuent inexorablement de se creuser ; la violence augmente régulièrement, spécialement celle exercée sur des enfants ; la fécondité est descendue en-deçà du seuil de remplacement des générations, ce qui veut dire que notre population est amenée à diminuer dans les prochaines années; les gens ne croient plus à l’amour vrai et durable ; un couple sur trois divorce en France, un sur deux à Paris, etc. Il est capital d’avoir conscience que l’avortement a sa part de responsabilité dans cette évoluion, et que tu es concerné directement, c’est ton avenir qui est en jeu.

Enfin, si tu es né après 1975, tu es un rescapé : tu avais près d’une chance sur 4 de ne pas passer à travers les mailles du filet. Tu as eu la chance d’avoir une mère qui t’a « gardé », mais on ne choisit pas ses parents : tu aurais pu tout aussi bien ne pas avoir cette chance. Et si tu as des jeunes enfants, ce sont eux-aussi des rescapés, ils sont chanceux.

Le tiers25 d’une génération entière meurt chaque année dans l’indifférence générale. En outre, aucune sélection ne s’opère pour l’élimination de tel ou tel embryon : c’est le plus total arbitraire. Ceux qui en ont réchappé commencent à en prendre conscience. Il y va de leur devoir et de leur avenir de se faire les porte-parole de ces victimes et, surtout, les porte-parole d’un monde meilleur dans lequel cette exclusion ne sera plus « nécessaire ».

28. CROYANT(E), MA FOI ME PORTE CONTRE L'AVORTEMENT, MON DEVOIR: LE CLAMER

Car enfin, le Pape le dit bien, tous les croyants ont le devoir de défendre l’enfant non né. Si je n’étais pas croyant, je n’aurais jamais eu envie de me battre contre l’avortement. Seule ma foi me porte dans ce combat-là. En plus, dire qu’on est croyant, c’est faire de l’apostolat, et permettre à des gens de se convertir et retrouver le chemin de Dieu.

Malheureusement, on a entretenu l’idée que l’avortement est une affaire de croyance religieuse, mais il est temps de sortir de cette erreur ! Si tu es contre l’avortement à cause de ta religion, je suis désolé de te le dire, tu n’as rien, mais alors rien compris ! Si tu me dis en revanche que ta religion t’aide et t’anime dans ta lutte contre l’avortement et dans ton soutien aux femmes en détresse, alors je respecte ta démarche. Mais je t’en supplie, de grâce, ne te sers pas de ta religion comme un argument, ni de tes prières comme un slogan.

La cause de l’avortement n’est pas une question de foi. C’est une question humanitaire (ou éthique) tout simplement. Les malheureux exemples de prières publiques contre l’avortement n’ont réussi qu’à faire croire que l’avortement était une question de croyance religieuse, ce qui a stérilisé littéralement le débat. Du coup, qui est contre l’avortement est taxé de fanatique ou d’intégriste, et tout argument qu’il avancera sera analysé sous le filtre de cette image négative. Surtout, surtout, que les croyants ne fassent pas de l’avortement leur domaine réservé, et par conséquent qu’ils apprennent à parler de l’avortement sans prononcer une seule fois le nom de Dieu, ils verront qu’on y arrive très bien.

Loin de moi l’intention de faire de l’anticléricalisme, je respecte les personnalités religieuses qui défendent la vie, comme Jean Paul II qui précise bien que l’avortement concerne tous les hommes, croyants ou non.

Quant aux réflexions que j’ai entendues de croyants qui pensent que l’avortement ne peut être vaincu que par la prière, je rappellerai juste l’histoire de Saint Martin qui, à la vue d’un pauvre grelottant de froid, ne s’est pas mis à prier mais a partagé son manteau.

 

29. L'AVORTEMENT EST DONC UN PROBLÈME POLITIQUE ?

Donc il faut être d’extrême droite, vous allez me dire ? J’en étais sûr ! Comme les seuls partis politiques qui se disent contre l’avortement sont d’extrême droite, vous en êtes forcément ! Et bien moi je ne suis pas du tout d’accord !

Amalgame ! Oui, l’avortement est un problème politique c’est évident, au sens où il faut lutter contre la loi, établie par le pouvoir politique, et inciter ce même pouvoir à établir une politique en faveur de la vie (aides aux femmes, etc.). La politique concerne la vie de la cité, de la société. En ce sens et en ce sens uniquement, on peut dire que l’avortement est un problème politique ; il s’agit de faire prendre conscience aux populations de l’absurdité de l’IVG, de mettre en place des structures fortes d’aides aux femmes en difficulté, pour enfin supprimer la loi sur l’avortement.

L’ennui, c’est que dès lors que tu rentres dans un parti, fût-il contre l’avortement, tu épouses la doctrine du parti. Par conséquent, si tu veux militer contre l’avortement par le biais d’un parti politique, tu te mets à dos toutes les personnes qui ne sont pas du même parti. Ce n’est pas l’idéal pour défendre la vie humaine, qui ne relève d’aucune idéologie ni d’aucune doctrine. Vote donc ce que tu veux, je m’en fiche, du moment que tu ne mêles pas ton idéologie politique avec la défense de la vie. Ce n’est donc pas parce que seule l’extrême droite est contre l’avortement (c’est encore à voir… !) qu’il faudrait voter pour elle, cela n’a rien à voir.

La lutte pour des choses aussi essentielles et  universelles que la vie suppose la neutralité politique, religieuse et idéologique.

Et, sans vouloir faire de politique, je voudrais juste rappeler que les extrêmes n’ont jamais mené à rien de bon… au contraire !

Par ailleurs, sois bien conscient que nous vivons dans une démocratie et que les lois sont généralement l’expression du peuple. La majorité des Français est pour l’avortement légalisé. Non seulement parce que le débat éthique n’existe pas, mais aussi parce que nos mentalités ne sont pas prêtes à l’entendre ou à la comprendre. Il n’y a qu’à entendre les réflexions des hommes publiques, des médecins, des comités d’éthique, ou tout simplement de la plupart des personnes interrogées sur l’IVG. Ainsi, cette phrase absurde d’un médecin lue récemment dans un grand quotidien : « la loi Veil est une loi plutôt bonne qui s’efforce de respecter deux droits incompatibles : celui de la femme à avorter et celui de l’enfant à vivre. Pourquoi la modifier ? »26. Cette réflexion montre que la question éthique de la valeur de la vie est repoussée et littéralement évacuée : en clair, ce médecin accepte une éthique dans laquelle certains, au nom d’un « droit de la femme », n’ont plus le « droit à la vie »

Par conséquent, la lutte politique passe nécessairement par le changement de nos modes de pensée à tous. Une sorte de « révolution culturelle » préalable dans laquelle notre société prendrait conscience de l’injustice de l’avortement. Dans laquelle le débat éthique de l’avortement serait reposé jusque dans ses fondements.

Car comment oser aujourd’hui revendiquer un droit à la vie pour tout être humain si la majorité des consciences ne le comprend pas ?

30. LA SOLUTION N'EST-ELLE PAS L'INFORMATION ET L'ACCOMPAGNEMENT DES FEMMES ?

On ne peut quand même pas empêcher une femme qui veut absolument avorter de se rendre au centre d’orthogénie ! Ni intimider tous les médecins qui pratiquent des IVG ! Moi, je pense que la seule solution est d’informer et de sensibiliser les gens à l’avortement, et aussi de s’occuper des femmes qui ont avorté pour d’une part les guérir de leur souffrance d’avoir avorté, et d’autre part leur faire prendre conscience en douceur de la réalité de leur acte.

On aborde ici une question des plus délicates, car chargée de tensions et de passions de toutes sortes.

Il est nécessaire en effet de s’occuper des victimes de l’avortement, en l’occurrence les femmes ayant avorté, ainsi que la génération survivante de l’avortement. Il est aussi nécessaire de sensibiliser la population à l’avortement, afin qu’elle ouvre les yeux.

Sensibiliser la population ne veut pas dire intimider ou menacer des médecins, ou faire des actions violentes envers les femmes ou le personnel hospitalier. Les « commandos anti-IVG »  dits encore « sauveteurs » ont échoué car, même s’ils se défendaient de non-violence, leur action a été perçue comme violente et agressive. Ce genre d’action est donc à bannir absolument.

Je crois pour ma part qu’il faut se placer sur tous les fronts : celui de l’action et la sensibilisation individuelles (l’accompagnement des femmes, des « survivants », etc.) et celui de l’action de masse, qui consiste à sensibiliser l’opinion toute entière sur le respect de la vie, sur l’injustice de la loterie actuelle, et sur les ravages des conséquences de l’avortement. Il ne s’agit bien évidemment ni de culpabiliser ni de blâmer quiconque. Cela ne fera pas avancer les choses, bien au contraire ! Mais il ne s’agit pas non plus de cacher systématiquement la vérité, si dure soit-elle parfois, des blessures que cause l’avortement. Tu verras en seconde partie qu’au-delà des arguments sur la valeur de la vie, nous avons maintenant l’évidence des séquelles énormes laissées par l’IVG sur les femmes, les hommes et les enfants.

Alors la solution est de crier sa joie d’être en vie et d’aimer la vie. Telle que le fait ce groupe de jeunes, sortis de je ne sais où, et qui se nomme « les survivants »27, du nom du syndrome de cette génération née après la loi de 1975.

Lorsque survient une catastrophe naturelle, par exemple une inondation, l’urgence est de soigner les blessés et de pallier aux premiers secours. Mais il est aussi nécessaire de construire des digues et des canaux, de ne pas permettre la construction de maisons sur des zones inondables, pour prévenir ce genre de catastrophes. Et l’homme politique qui se permettra d’autoriser la construction d’habitations sur des zones inondables tout en assurant qu’en cas d’inondation, il mettra des moyens énormes pour sauver les rescapés, sera taxé de fou ou de criminel

On peut faire l’analogie avec l’avortement. L’urgence est bien sûr de s’occuper des victimes. Mais ne pas aller au-delà est du domaine de l’inconscience pure et simple. C’est la politique du « tonneau percé ».

Annotation

  1. Cette technique consiste à faire fusionner, en dehors du corps de la femme, un ovule humain avec un spermatozoïde humain.
  2. La femme a aussi un rôle psychologique primordial et déterminant sur l’enfant qu’elle porte, rôle qui a été mis en évidence depuis plusieurs dizaines d’années. Mais cette fonction essentielle de la mère est comparable au rôle qu’ont tous les parents sur leur enfant après la naissance, et ce n’est pas cette fonction protectrice qui apporte la vie : elle permet seulement son épanouissement harmonieux.
  3. Puisque ce qui qualifie la valeur éthique de l’acte de sa conséquence sur la société.
  4. Encore faudrait-il savoir quels sont les « degrés » de culture…
  5. Françoise Dolto, dans Sexualité Féminine, éditions «SCARABEE & Co / A.M. METAILIE», page 311.
  6. Professeur René Frydman, in « Mourir avant de n’être? « , éditions Odile Jacob, page 105.
  7. Voir en seconde partie le chapitre sur le syndrome post-avortement.
  8. Les promoteurs de l’avortement ont essayé de faire croire qu’il y en avait 1 million, ce qui était bien évidemment mensonger !
  9. Voir en seconde partie les chiffres réels de l’avortement.
  10. Je cite Jean-Paul II en tant non pas que personnalité religieuse, mais ici en tant que personne militant contre l’avortement au nom de la conscience universelle, au nom des droits de l’homme, parce qu’il a toujours su faire la différence avec ses fonctions religieuses.
  11. Définition du Robert. Un excellent exemple est celui de la pornographie en France. La vente de revues pornographiques est tolérée mais est illicite et illégale. On peut reprocher peut-être qu’elle soit tant tolérée. Mais l’État ne pourrait pas décemment légaliser la pornographie ce serait l’image des femmes comme objet sexuel !
  12. Françoise Dolto, dans Sexualité Féminine, éditions « SCARABEE & Co / A.M. METAILIE », page 314.
  13. « Suicides after pregnancy in Finland, 1987-1994: register linkage study », British Medical Journal, 7 décembre 1996.
  14. Cependant imposer de façon despotique la poursuite d’une grossesse n’aidera pas la femme à accepter sa grossesse ; là encore, il est nécessaire d’identifier avec l’aide d’un psychologue ou d’un médecin les causes du refus de l’enfant, pour trouver les solutions matérielles et psychiques qui permettront à nouveau d’accepter et d’aimer l’enfant.
  15. Voir en seconde partie le chapitre sur le syndrome post-avortement.
  16. Lire à ce sujet « La détection des anomalies fœtales, analyse sociologique (tome I, par Anne Dusart) et analyse juridique (tome ll, par Dominique Thouvenin), éditions du CTNERHI, juillet 1995.
  17. C’est en plus au moment et juste après l’accouchement que les sentiments maternels des femmes sont (généralement) les plus éveillés !
  18. Peut-être auraient-elles préféré ne pas le concevoir, mais à partir du moment où l’enfant existait, il reste impensable à ces femmes d’imaginer ne pas l’avoir mis au monde.
  19. Du nom de Malhus, qui a donné naissance au courant malthusien (typiquement le « Club de Rome ››) qui, en deux mots, consiste à croire que nous sommes trop nombreux sur terre et que la prospérité ne peut s’acquérir que si la population humaine diminue.
  20. C’est incontestable, contrairement aux idées reçues. Cela implique cependant une répartition équitable des richesses, et une mobilisation internationale pour organise la production agricole et son transport.
  21. Il faut savoir que la Chine est un des pays où le taux de suicide est le plus élevé au monde, et curieusement, alors que dans tous les autres pays les hommes se suicident plus que les femmes, la proportion de suicides chez les femmes est très supérieure à celle des hommes en Chine (source : OMS). Comment ne pas relier ce phénomène unique à la politique «familiale » chinoise, unique elle aussi, qui consiste à interdire aux femmes d’avoir un deuxième enfant, sous peine de pénalités de toutes sortes, l’avortement étant le moyen de « régulation » de naissances.
  22. Les projections de l’ONU tablent sur une stabilisation de la population mondiale vers 2100, à 12 à 15 milliards d’individus, contre 6 actuellement. Tous les continents dont on craignait une explosion ont fortement ralenti leur croissance démographique. Quelques pays comme l’Inde, ou certains pays d’Afrique, restent sur des taux de croissance élevés mais qui ont été divisés par plus de deux depuis les années 50, et qui continuent de chuter rapidement.
  23. Notamment au XIXème siècle et dans la première moitié du XXème.
  24. Source INED (Institut National des Études Démographiques), qui est connu pour être particulièrement favorable à l’avortement légalisé.
  25. Un enfant avorté pour trois naissances, soit le tiers d’une génération, ou encore un enfant (avorté) sur quatre (conçus).
  26. Docteur Pieîre Marquis, chef du service de gynécologie-obstétrique du centre hospitalier d’Arras, in Le Figaro, 30 novembre 2000.
  27. Nom d’un mouvement né vers l’année 1997, rassemblant des jeunes nés après 1975, se disant « survivants d’une génération amputée du quart de ses membres », et qui défraie régulièrement la chronique depuis deux ans.

ALORS COMMENT, EN DÉFINITIVE, SE BATTRE CONTRE L'AVORTEMENT ?

Je n’aime pas le mot « se battre contre ». Je préfère le mot : « lutter et agir pour la vie ».

Il n’y a évidemment pas de recette toute faite pour défendre la vie.

Pourtant, il est certain que, pour qui souhaite défendre la vie de manière authentique, individuellement ou au sein d’un mouvement ou d’une association, il existe un certain nombre de critères à respecter.

La neutralité. Afficher des opinions politiques ou religieuses ne favorise pas le dialogue et le débat sur un sujet aussi passionné. On peut être de droite ou de gauche, athée, musulman, chrétien, juif, et être pour la vie.

La certitude de croire qu’on peut changer les choses. Il n’y a pas de fatalité. Il y a 35 ans, la majorité des Français était opposée à l’avortement, et une campagne médiatique très forte a fait basculer les choses. Si nous sommes apparemment tous assommés ou anesthésiés, il est cependant sûr que nous pouvons changer la société en douceur et la rendre plus belle.

La joie de vivre et la jeunesse. Quoi de plus absurde que de prétendre défendre la vie si on ne l’aime pas vraiment ? De défendre l’extrême jeunesse, les bébés, si on n’est pas jeune d’esprit ? La jeunesse a en général une extraordinaire crédibilité car elle est étrangère aux idéologies, et parle avec « ses tripes ».

La tolérance. On accuse les défenseurs de la vie d’intolérance, et malheureusement beaucoup ont démontré qu’ils l’étaient. Stop ! On ne peut être crédible si l’on fait preuve d’intolérance. Mais tolérance ne veut pas dire « lâcheté » …

La non-violence. Vertu absolue du défenseur de la vie. Qui doit être vécue dans ses gestes comme dans ses paroles, et surtout dans ses dispositions intérieures. La violence est le moyen de lutte des terroristes et des fanatiques. Elle ne paie jamais. Lorsqu’on voit des fanatiques américains menaçant voire tuant des médecins au nom de la soi-disant défense de la vie, on se dit qu’ils n’ont vraiment rien compris au problème.

L’ouverture. Le défenseur de la vie veut changer les choses, il ne veut pas tout simplement abolir une loi. Il veut changer les mentalités, aider les démunis, communiquer sa joie de vivre. Il connaît la détresse des femmes enceintes, il n’est pas fanfaron stupide qui passe devant la misère sans la voir.

La compréhension politique et sociale du problème, telle que j’ai tenté de te la transmettre tout au long de cette partie. L’avortement est un problème, et nier l’un ou l’autre est une erreur forte. Par conséquent la médiatisation nationale de ce problème est toute aussi importante que l’accompagnement individuel des personnes. Dans la neutralité…

Et enfin, la détermination et le courage, comme le dit si bien André Malraux:

 » Rien n’est plus important dans l’histoire du monde que de faire partie des gens qui ont été capables de dire NON.  »
André Malraux

Enfin, un peu schématiquement, il existe deux moyens de faire prendre conscience aux gens de l’absurdité de l’avortement : le premier moyen consiste à démontrer par la logique, rationnellement et pas à pas que l’IVG est une fausse solution. C’est le contenu des trente questions de ce livre. On pourrait appeler ça la preuve ex-ante, c’est à dire avant et indépendamment de l’existence de la loi. Dans l’état actuel des mentalités, ce moyen s’adresse plutôt aux individus disposés à écouter et réfléchir. Les médias, eux, ne peuvent pour l’instant communiquer que sur le « sensible », mais pas sur les questions de fond.

L’autre moyen repose sur les preuves ex-post, c’est-à-dire les preuves sensibles, qui tiennent compte de l’existence de la loi depuis maintenant 25 ans. Les études scientifiques ne manquent plus pour démontrer les ravages de l’avortement sur les femmes et les enfants survivants. Les chiffres ne viennent que confirmer, s’il en est encore besoin, que l’avortement légalisé provoque plus de mal qu’autre chose. On juge l’arbre à ses fruits. C’est ce que tu trouveras dans la partie qui suit.