On ne naît pas heureux, on le devient ! Quelques exemples…
"Il ne vaut mieux pas qu'il naisse dans ces conditions", voilà une idée qui revient souvent sur la table lorsque l'on parle de l'avortement. Qui sommes-nous pour dire "tu seras malheureux, c'est comme ça" ? Voici quelques exemples de personnes qui nous feront changer d'avis.
Boris Cyrulnik
5 ans. Parents juifs déportés et assassinés. Placé à l’Assistance publique. Enfance incertaine, délation, cachettes, faux espoirs et solitude. Seul survivant de sa famille.
Il aurait mieux fait de ne pas naître ?
Boris Cyrulnik est neuropsychiatre et directeur d’enseignement à l’université de Toulon. Il est surtout connu pour avoir vulgarisé le concept de « résilience », qui signifie « renaître de sa souffrance », réelle avancée pour les recherches de psychologie. Il témoigne de la force de l’homme de surmonter les épreuves.
Beethoven
Père alcoolique et violent, mère dépressive et atteinte de la syphilis, famille de huit enfants dont trois sourds, deux aveugles, et un mentalement attardé. Et une nouvelle naissance…
Il aurait mieux fait de ne pas naître ?
« Je veux saisir le destin à la gorge. » Génie de la musique, Beethoven est encore aujourd’hui connu par tous. Son talent exceptionnel a marqué l’histoire de la musique.Son œuvre compte plus de 500 compositions achevées.
Tim Guénard
Abandonné à l’âge de 3 ans par sa mère. Père alcoolique et violent. À cinq ans, hospitalisé pour coups et blessures ; coma pendant deux ans et demi. Institutions, asiles psychiatriques, familles d’accueil, maisons de correction et vagabondage à treize ans…Haine et désir de vengeance.
Il aurait mieux fait de ne pas naître ?
Après la reconquête de la confiance en la vie et en lui-même, il est maintenant marié, père de 4 enfants et apiculteur. Il raconte son histoire dans les prisons pour donner le témoignage d’une vie accomplie. Il accueille aussi des personnes handicapées.
Marie Curie
Deuil d’une grande sœur morte du typhus, puis de sa mère à l’adolescence. Père au chômage, gros problèmes financiers.
Elle aurait mieux fait de ne pas naître ?
Après de brillantes études, elle sera reçue première à l’agrégation de Physiques. Elle sera ensuite la première femme à recevoir le Prix Nobel de Physiques (et celui de chimie plus tard). Elle sera également la première femme à obtenir une chaire à la Sorbonne. Elle a permis de formidables avancées scientifiques et reste l’une des plus grandes figures féminines de l’histoire des sciences.
Christina Noble
Née dans une famille en grande précarité, père alcoolique et violent, mère décédée alors que la petite fille n’a que 10 ans. Placement en orphelinat, viol…
Elle aurait mieux fait de ne pas naître ?
Après plusieurs épreuves, elle est devenue un exemple de dévouement et de détermination. A force de ténacité et de courage, elle a fondé la « Christina Noble Children’s Foundation » qui se bat afin de donner un avenir aux enfants pauvres de Mongolie et du Vietnam.
Denise Legrix
Atteinte de dyslémie : née sans bras et sans jambes. Handicap très lourd. Autonomie réduite, épanouissement compromis.
Elle aurait mieux fait de ne pas naître ?
Enfant, elle se lance dans la peinture et le dessin ; puis en fait son métier. Elle fonde une association pour rassurer et aider les enfants dysméliques et leurs parents. Elle meurt à 100 ans, laissant des peintures exceptionnelles. « Je ne suis peut-être qu’une partie de l’humain. Mais qu’importe si cette partie précisément est porteuse d’âme. »
Cas particuliers nous direz-vous ?
Oui, en effet ce ne sont que des exemples – qui plus est assez extraordinaires, convenons-en – mais ils nous rappellent que l’enfance ne détermine pas toute une vie, que l’homme a une force incroyable pour surmonter les épreuves, que la vie est un mystère et que nous ne pouvons pas jouer aux prophètes de malheur.
Une enfance heureuse est bien sûr le plus beau cadeau que l’on puisse faire à un enfant et il est évident que les enfances décrites ici ne sont souhaitées à personne, mais elles manifestent qu’aucune vie, même la plus mal commencée, n’est vouée au malheur.
La question du bonheur est une bien vaste question. On peut penser que les personnes citées cidessus ne sont pas forcément des exemples de gens heureux, si l’on considère que le bonheur est absence de toute souffrance ; cependant on ne peut nier que leurs vies aient été dignes d’être vécues, que ces personnes aient apporté au monde des richesses inestimables, que cela soit dans le domaine artistique, scientifique etc…
Le bonheur, même s’il peut être favorisé par un milieu social et des circonstances, n’est pas pour autant complètement soumis à ces derniers. Nous tomberions dans une vision bien fataliste et déterministe qui mènerait à une stigmatisation de certains milieux sociaux… Il y aurait des échelons pour le bonheur d’un enfant, selon le milieu socio-culturel de ses parents, selon les conditions financières. La prédestination serait-elle de retour dans les esprits ? Bien sûr, l’influence de ces critères est majeure, il ne s’agit en aucun cas de la nier et de considérer que le bonheur relève simplement de la volonté mais ne jouons pas les oiseaux de mauvaise augure.
La vie ne nous appartient pas, et elle réserve bien souvent d’étonnantes surprises. Et l’amour donné a un rôle inégalable, les grands spécialistes de la résilience sont les premiers à l’affirmer… Et oui, des « vilains petits canards » peuvent prétendre au bonheur, s’ils sont « tricotés affectivement » comme aimait à le dire Boris Cyrulnik. Devons-nous choisir, à l’aune d’une vie, si elle vaut la peine ou non d’être vécue ?
Devons nous faire un tri arbitraire entre ceux qui seront heureux et ceux qui ne pourront l’être ? L’eugénisme serait-il un vieux démon converti ? C’est cela que nous refusons. Employons plutôt notre temps à favoriser le bonheur de ceux qui semblent ne pas y être disposés. Cessons de vouloir tout contrôler, le froid déterminisme est bien moins fécond que l’inattendu…